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Droit international
Le déclin et la chute du droit international
Les partitions de la Yougoslavie étaient en fait des vols de territoires, dissimulés et justifiés par le droit international. Les États-Unis, dans ce processus d'appropriation du territoire de ce pays souverain qu'était la Yougoslavie, ont commis, et commettent encore et toujours, un « délit d'ordre territorial ». Les références au droit international, noyau du discours habituel de Washington, ne sont rien d’autre que l’idéologie justifiant une expansion impérialiste. Le fait de justifier ces actes d'accroissement impérialiste flagrant par le droit international, fait du droit la servante prostituée de la politique. Carl Schmitt avait — ô combien — raison lorsqu’il écrivait : « Derrière la façade des normes générales du droit international, se cache, en réalité, le système de l’impérialisme anglo-saxon ». Plus que jamais dans le passé, dans le “Nouvel Ordre Mondial”, derrière la façade du droit international, se cache, en réalité, le système de l’impérialisme américain.
Les Américains font de leur droit interne un droit international à leur dévotion
En fait, la doctrine américaine traditionnelle, comme on le voit dans le comportement international des États-Unis, montre que le droit international n’existe pas, que le fond du prétendu droit international est à peine un droit étatique externe, sujet à la puissance souveraine de l’État. Le droit interne de l’État a une priorité sans limite sur le droit international. Ce dernier est valable seulement dans la mesure où il fait partie du système légal interne, et c’est l’État seul qui détermine cette validité. La doctrine est bien explicitée par Dean Acheson qui dit : « La plupart des éléments juridiques dans ce que l’on appelle “droit international” est un corpus véhiculant une éthique, et il faut faire attention de ne pas confondre cette éthique avec le droit ». Et Dean Acheson continue : « Tout simplement, le droit ne traite pas de ces questions concernant le pouvoir ultime — c'est-à-dire le pouvoir venant des sources de la souveraineté ». [Dean Acheson (1963 Proceedings of the American Society of International Law 13, réimprimé chez Noyes E. Leech, Covey T. Oliver et Joseph Modeste Sweeney “The International Legal System” (The Foundation Press, Mineola, NY, 1973) p. 105].
Les traités n'ont qu'un but : promouvoir les intérêts des États-Unis
La circulaire du département d’État, n°175, du 13 décembre 1955, réimprimée dans “50 Am. J. Intl. L. 784 (1956)”, citée comme élément de politique concrète, constate : « Les traités devraient être destinés à promouvoir les intérêts des États-Unis par le biais d’une action sécurisante entreprise par les gouvernements étrangers dans une optique jugée avantageuse pour les États-Unis. Les traités ne sont pas censés être utilisés comme moyen pour effectuer les changements sociaux internes ou pour essayer de contourner les procédures constitutionnelles établies en relation avec ce qui concerne principalement les affaires intérieures ». Les traités ne devraient pas imposer d’obligations internationales aux États-Unis ou en aucun cas ne devraient interférer avec la législation interne des États-Unis. Et les États-Unis se définissent eux-mêmes comme étant les seuls juges à légiférer « en matière d’affaires intérieures ». Ainsi, pour chacun des traités auxquels les États-Unis ont adhéré, le but était de contraindre les autres États à agir en faveur de la politique étrangère des États-Unis (William W. Bishop, Jr., International Law, Little, Brown & Co, Boston / Toronto, 1953, 1971, p. 101). La Cour Suprême des États-Unis est arrivée à une conclusion semblable lors du cas précédent de la « Banque Nationale de Cuba vs. Sabbatino (1964) » : « La loi adoptée par la doctrine de l’État est applicable, même si le droit international a été violé ».
Seule domine la volonté des États-Unis
Depuis les “corollaires” d'Olney (1895) et de Roosevelt (1904) à propos de la Doctrine Monroe, il n’existe pas de droit international en vigueur dans l’hémisphère occidental, mais seule domine la volonté des États-Unis, en tant que seul et omniprésent souverain dans l’hémisphère occidental. Les États-Unis ont décidé qu’ils sont les seuls créateurs de leur propre droit international pour leur propre espace impérial, défini dans l’espace par le périmètre de la Doctrine Monroe. Et ainsi le “Nouvel Ordre Mondial” est la base des prémisses du corollaire de Roosevelt, appliqué au monde dans son ensemble —c’est-à-dire la doctrine Albright, prononcée juste avant le début de la guerre d’agression contre la Yougoslavie, qui doit être perçue comme étant l'équivalent du corollaire de Roosevelt, cette fois pour le monde entier.
Dans cette conjoncture, il faut se rappeler la formulation de l’Amiral Stansfield Turner, alors directeur de la CIA, qui a défini la vraie finalité de la Guerre du Golfe ; il est même allé plus loin en déclarant lors d’un programme de la chaîne CNN en juillet 1991 : « Nous avons un objectif bien plus grand. Nous devons voir plus loin dès à présent. Voici un exemple : la situation entre les Nations Unies et l’Irak, où les Nations Unies s’imposent délibérément dans la souveraineté d’une nation souveraine… C’est maintenant un formidable précédent à utiliser dans tous les pays du monde… ». [cf. An Open Letter and Petition from Americans for International Justice Committee, 1996]
Le traité instituant l'OTAN est sans substance normative
Il a été souligné, à juste titre, dans le débat allemand, que l’OTAN est un « traité à roulettes » ; il n’a aucune substance normative dans le droit international mais sert simplement les convenances de l’expansionnisme américain. Ainsi l’agression menée par les forces de l’OTAN contre la Yougoslavie était clairement une violation de la charte même de l’OTAN. Le concept de la « jurisprudence ambulatoire » ou des « lois sur roulettes » (ou traité omnibus) a été introduit par l’éminent juriste allemand Carl Schmitt pour qui cela signifiait la forme de l’approche décisionniste et volontariste des normes légales par le souverain. Et à l'évidence, la majeure partie de l'ancien droit international a été transformée par les États-Unis en « normes à roulettes », pour être complétée par une nouvelle substance selon les convenances de la volonté américaine d’expansionnisme. Ainsi, la substance normative même du droit international a disparu.
Par respect pour le droit international, il est important de se rappeler les quelques mots qu’a eus Lassa Oppenheim : « Un Droit des Nations peut exister à la seule condition qu’il y ait une stabilité, un équilibre des pouvoirs, entre les membres de la famille des Nations. Si les Puissances ne peuvent pas se surveiller mutuellement, aucune loi n’aura de force, vu qu’un État superpuissant tentera naturellement d’enfreindre la loi. Étant donné qu’il n’y a pas et qu’il ne peut jamais y avoir une autorité politique centrale au-dessus des États souverains, qui pourrait faire respecter la loi inhérente au Droit des Nations ? Un équilibre du pouvoir doit empêcher tout membre de la famille des Nations de devenir omnipotent » (Lassa Oppenheim International Law : A Treatise, Longmans, Green, 1905-06, l, pp. 73-74).
Apparemment, dans le paysage unipolaire du “Nouvel Ordre Mondial”, aucune loi et norme du droit international ne fait force hormis ces normes et lois qui émanent de la volonté hégémonique des États-Unis. Par conséquent, le droit interne américain a effectivement remplacé les normes du droit international et ce qui est prétendument le droit international n'est plus rien d'autre qu'un éventail d'apparences qui dissimule, tant bien que mal, la volonté de l’impérialisme américain. Le droit international est devenu un déguisement de l’impérialisme américain.
Les États-Unis entendent modeler le monde à leur image
Bien que les États-Unis prétendent utiliser leur statut de superpuissance pour favoriser la stabilité générale et les droits universels, beaucoup d’observateurs internationaux n’y voient là qu’une vulgaire intention d’autosatisfaction en modelant le monde à leur propre image — et piétinant tout ce qui se met en travers de leur chemin, écrit Atman Trivedi dans le Foreign Policy Journal, révisant l’article du Professeur Etaju Thomas, publié dans la revue World Affairs (n°1, 1999) : « Le Professeur Etaju Thomas, professeur de sciences politiques à l’Université de Marquette, montre tout particulièrement Washington du doigt parce que les États-Unis mènent une politique étrangère de « bombardements, de sanctions et de destruction d’État ». Il soutient que la soi-disant doctrine Albright a donné aux États-Unis l’autorisation de se livrer à des « saccages expansionnistes » dans l’ex-Yougoslavie, en Irak et ailleurs, en commettant des agressions sans provocation. Selon Thomas, l’armée américaine pourrait, soutenue par la puissance des sanctions économiques ou des récompenses, transformer les Nations Unies en un appendice docile des États-Unis ; les sanctions ont déjà donné la possibilité à Washington de tourner le droit international en farce. Les Serbes, par ex., « ont plus de droit moral, politique et international sur le Kosovo que les États-Unis sur la Californie et le Texas ». En outre, il note qu'un million à 1,7 million d’Irakiens innocents sont morts à la suite des sanctions « sponsorisées par l’Amérique », y compris plus d’un demi million d’enfants.
Que dire de plus ? Dans le passé, le ministre des Affaires étrangères allemand avait déclaré à l’égard de la doctrine américaine de Monroe que « par principe, aucune ingérence de la part des États européens dans les affaires du continent américain ne reste injustifiée à moins que les États d’Amérique, pour leur part, s’abstiennent également d’intervenir dans les affaires du continent européen ». C’est un bon point de départ : une doctrine Monroe pour l’Europe comme réponse au “Nouvel Ordre Mondial” et aux ambitions totalitaires américaines d'exercer la Weltherrschaft. Ou comme l’avait un jour dit le Général de Gaulle : « Une Europe vraiment libre est une Europe libre de l’hégémonie américaine ».
Les USA ne sont pas les gouverneurs du monde ! Et jamais ils ne le seront !
► Nikolaj-Klaus von Kreitor, Nouvelles de Synergies Européennes n°55-56, 2002. [tr. fr. : LA] [Version anglaise]
◘ du même auteur [1946-2003] : « De la théologie politique américaine ».