• ◘ Traité de Ryswick (1697)

    20 septembre 1697 : Traité de Ryswick. La Hollande, l’Angleterre et l’Espagne (dont nos provinces) signent un traité de paix avec la France. Ce Traité marque l’arrêt des guerres et des pillages perpétrés par l’ignoble Louis XIV, qui doit rendre bon nombre de places qu’il avait annexées au nom de sa théorie fumeuse des « Réunions », que notre diplomate Stockman avait réfutée avec brio, dans un mémoire rédigé à l’attention des négociateurs impériaux. Le Traité de Ryswick est donc une victoire tardive de Stockman et de Rubens, qui fut certes un peintre très célèbre, mais aussi un diplomate de grande envergure au double service de l’Espagne et du Saint-Empire. À Ryswick, Louis XIV doit rendre également le Duché du Luxembourg, dont il s’était emparé avant de ravager cruellement le Palatinat, où il a laissé un souvenir épouvantable, ravivé douloureusement par l’occupation française de 1918 à 1930, marquées de sauvageries, de mesquineries et d’actes arbitraires impardonnables (à ce propos : cf. Günter Zerfrass/Hrsg., « Die Pfalz unter französischer Besatzung von 1918 bis 1930 – Kalendarische Darstellung der Ergebnisse vom Einmarsch im November 1918 bis zur Räumung am 1. Juli 1930 », Verlag Siegfried Bublies, Koblenz, 1996). Au Sud, Louis XIV, enfin vaincu, doit rétrocéder la Catalogne. En Amérique, il doit rendre l’île d’Hispaniola / Saint-Domingue, dont il avait fait un nid de pirates, sur les modèles anglais et barbaresque, menaçant toutes les côtes circumcaribéennes. Malheureusement, à Ryswick, il conserve le droit d’occuper Strasbourg et les autres territoires alsaciens, qu’il avait conquis et qui nous reviennent de droit, en tant qu’État héritier du Saint-Empire.

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    ◘ Traité de Karlowitz (1699)

    26 janvier 1699 : Les Ottomans signent le Traité de Karlowitz qui sanctionne les victoires d’Eugène de Savoie. Après que les Polonais du Roi Jean Sobieski aient dégagé Vienne, le 12 septembre 1683, qui avaient été assiégée par les Ottomans depuis le 13 juillet, la victoire change de camp. Les Européens reprennent du poil de la bête et passent à la contre-offensive. La guerre durera en fait jusqu’en 1699. L’Europe constitue la Sainte Ligue (Autriche, Pologne, Venise, Russie), instrument de sa contre-attaque. En 1686, le Duc Charles de Lorraine écrase les Turcs à Mohacz, vengeant ainsi la défaite, au même endroit, des Hongrois en 1526. Les Autrichiens libèrent Budapest. La libération de la Croatie peut commencer. La lutte sera dure. Sous l’impulsion du vizir Mustafa Köprölü, un Albanais converti, les Ottomans résistent et relancent une offensive en direction de la Save et du Danube en 1690, aidé par des Hongrois renégats, regroupés autour du vassal ottoman Tekely (Tököly). Le Vizir mourra au combat et son successeur Mustafa II, après quelques succès initiaux, subit revers sur revers : le 11 septembre 1697, ses armées sont écrasées par les Autrichiens à Zenta (Senta) dans la Voïvodine actuelle. La Croatie, la Hongrie et la Transylvanie sont libérées définitivement : plus aucun janissaire ou auxiliaire tatar n’y mettra les pieds ou les sabots de sa monture. Les Turcs ne respecteront pas le traité : ils reprendront les hostilités en 1715-1716 mais subiront de terribles défaites, notamment à Petrovaradin le 5 août 1716. Ils perdront Timisoara (Temesvar/Temeschburg) et Belgrade (enlevée par des soldats hutois). Le Traité de Passarovitz du 21 juillet 1718 les obligent à rendre le Banat, la Valachie occidentale et la Serbie septentrionale. Les Turcs vont alors aller affronter les Perses dans une guerre de treize ans (1723-1736). Les Autrichiens en profiteront pour tenter de reprendre la Bosnie et libérer la Bulgarie, mais se heurteront à une résistance inattendue, appuyée en secret par la France, qui joue là sa toute dernière carte pro-ottomane ; après la défaite autrichienne de Gratzker, les territoires récupérés par le Traité de Passarovitz redeviendront turcs (en vertu du Traité de Belgrade du 18 septembre 1739). Les Serbes croupiront encore longtemps sous le joug ottoman et accusent les Autrichiens de les avoir laissé tomber. Les enjeux des trois traités (Karlowitz, Passarovitz et Belgrade) nous permettent de comprendre le fond des affaires balkaniques, y compris celles de la dernière décennie du XXe siècle. Des pages d’histoire à méditer.

    • Source : Jean-Paul Roux, « Un choc de religions – La longue guerre de l’islam et de la chrétienté – 622/2007 », Fayard, 2007.

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    ◘ Paix de Dresde (1745)

    25 décembre 1745 : Signature de la Paix de Dresde entre la Prusse, l’Autriche et la Saxe. Elle met fin à la deuxième guerre de Silésie, que l’Autriche avait tenté de récupérer par la force des armes. Tant que l’Autriche possédait la Silésie, elle avait accès, via le haut bassin de l’Oder, à la Baltique. Elle pouvait prétendre à terme réaliser le vœu du Roi de la Bohème médiévale, Ottokar II Przmysl, c’est-à-dire former un royaume centre-européen, unissant sous une seule autorité, tous les territoires entre la Baltique et l’Adriatique. La Prusse de Frédéric II s’opposait à une présence autrichienne dans les bassins fluviaux parallèles de la plaine d’Allemagne du Nord et contestait la souveraineté de Vienne en Silésie (bassin de l’Oder) et en Bohème (bassin de l’Elbe).

    Lors de l’affrontement de 1745, les victoires successives des armes prussiennes à Soor et à Kesseldorf, et l’occupation consécutive de Dresde, capitale de la Saxe, le 17 décembre 1745, contraignent les Saxons et les Autrichiens à négocier. La Prusse de Frédéric II préfère, elle aussi, une solution négociée, à une poursuite de la guerre, car elle craint une intervention russe en faveur de l’Autriche et de la Saxe. Les Anglais ne pouvaient pas intervenir aux côtés de la Prusse car la révolte de l’Ecosse mobilisait toute l’attention du gouvernement de Londres et toutes les troupes disponibles. L’Autriche préférait quitter le théâtre d’opérations du Nord de l’Europe pour affronter les Français, alliés à l’Espagne des nouveaux Bourbons, en Italie et dans les Pays-Bas. Conclusion : à la suite de la Paix de Dresde, la Prusse conserve la Silésie mais reconnaît l’Empereur Charles, époux de Marie-Thérèse. La Saxe ne s’en sort pas trop bien : elle doit payer un million de thaler de dédommagement à la Prusse.

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    ◘ Traité de Jassy (1792)

    8 janvier 1792 : Comme les souverains de Prusse et d’Autriche souhaitent mobiliser tous les efforts militaires de l’Europe pour vider le chancre de la révolution française, pure fabrication des services secrets de Pitt le Jeune et non soulèvement populaire et “démocratique” comme le veulent les légendes colportées depuis lors, les Autrichiens sont contraints d’abandonner toutes les conquêtes récentes qu’ils venaient de faire dans les Balkans. À cause des voyous parisiens stipendiés par l’Angleterre, la Russie se retrouve seule face aux Ottomans de Sélim III qui tentent de profiter de l’aubaine pour réaffirmer leur présence en Serbie. Le peuple serbe est l’une des premières victimes collectives du chancre sans-culottes, on l’oublie trop souvent, car les Autrichiens, pour faire face à une France dévoyée ont dû suspendre leur protection et ramener une bonne partie de leurs troupes à l’Ouest, où l’alliance implicite de la France et de l’Autriche, sous Louis XVI et Joseph II, les avait rendues inutiles. Néanmoins, l’armée de la Tsarine Catherine II parvient à écraser les troupes ottomanes à Mashin, le 4 avril 1791. Le Sultan ne peut plus formuler d’exigences. Il devra entériner le Traité de Jassy, signé le 8 janvier 1792.

    Dans les clauses de ce Traité, les Ottomans acceptent l’annexion de la Crimée à la Russie et la suzerainté russe sur la Géorgie othodoxe, libérée du joug musulman. Le Dniestr devient la frontière entre les empires russe et ottoman. Cette extension russe permet aux Tsars de dominer la Mer Noire, ce qui leur vaudra l’inimitié tenace de l’Angleterre, une inimitié qui se concrétisera lors de la fameuse Guerre de Crimée (1853-1856), où la France sera entraînée. Ensuite, la présence russe sur le Dniestr pèse sur les “Principautés” danubiennes, la Moldavie et la Valachie, que Vienne entendait dominer afin de contrôler l’ensemble du cours du Danube, jusqu’à son delta et d’obtenir ainsi une fenêtre sur la Mer Noire. Le Traité de Jassy jette donc aussi les bases de l’inimitié entre la Russie et l’Autriche, qui compliquera considérablement la diplomatie du XIXe siècle et constituera l’un des motifs de la Première Guerre mondiale.

    Si l’on jette un coup d’œil sur la situation actuelle dans la région, nous constatons que les États-Unis ont repris en quelque sorte le rôle de la thalassocratie anglaise : ils sont les protecteurs de la Turquie, en dépit d’une mise en scène où celle-ci fait semblant de branler dans le manche et d’adopter, avec Davutolgu, une diplomatie autonome ; en tant qu’héritiers de la politique pro-ottomane de l’Angleterre du XIXe siècle, ils veillent aussi à détacher la Crimée de la sphère d’influence moscovite, en pariant sur le contentieux russo-ukrainien et, aussi, à arracher la Géorgie orthodoxe à l’influence russe. Les États-Unis ont pour objectif de défaire les acquis du Traité de Jassy de 1792. Nous constatons également que la frontière sur le Dniestr constitue aujourd’hui aussi un enjeu, avec la proclamation de la  république pro-russe de Transnistrie, face à une Moldavie qui pourrait se joindre à la Roumanie et, ainsi, se voir inféodée à l’OTAN et à l’UE.

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    ◘ Traité de Turkmanchay (1828)

    22 février 1828 : Signature du Traité de Turkmanchay qui met fin à la guerre entre la Russie et la Perse (1826-1828). Sur le plan territorial, la Russie libère ainsi l’Arménie (région d’Erevan) et le Nakhitchevan, occupés par les Perses. Le traité contient essentiellement des clauses commerciales, favorisant les marchands russes (de même que tous les autres Européens) et réduisant le droit des Perses à lever des taxes douanières sur les produits venant de Russie. Ce Traité consacre une réelle avancée de la Russie en direction du Golfe Persique et de l’Océan Indien.

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    ◘ Traité de Tanger (1844)

    Traités10 septembre 1844 : Le sultan du Maroc signe un accord avec la France lors du Traité de Tanger. Il se ménage ainsi une neutralité dans la guerre qui oppose Paris aux insurgés marocains et algériens rassemblés autour de l’Émir Abd el-Kader, chef charismatique, développant une mystique ascétique et guerrière digne d’admiration. Le sultan, vénal et corrompu, préférait s’allier aux Français plutôt que d’élever son peuple aux principes religieux et militaires prônés par Abd el-Kader. Ce dernier se rendra l’année suivante au général Lamoricière, esprit clairvoyant qui a su admirer à sa très juste valeur l’éthique militaro-religieuse du chef marocain. Ce rapprochement entre Paris et le sultan du Maroc, plutôt allié de revers des Anglais contre l’Espagne, conduit à une première ébauche d’alliance franco-anglaise contre le reste de l’Europe, ce qui conduira le diplomate Constantin Frantz à démontrer que seuls la Prusse et les empires austro-hongrois et russe sont authentiquement européens : les nations occidentales ont désormais des intérêts extra-européens et ne possèdent plus leur centre de gravité en Europe même (cf. « Constantin Frantz », par Robert Steuckers, in : Encyclopédie des Œuvres Philosophiques, PUF, 1992).

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    ◘ Traité d'Ouchy (1912)

    Traités15 novembre 1912 : Les Italiens, vainqueurs, imposent aux Turcs les clauses du Traité d’Ouchy. Au cours de l’année 1912, les peuples balkaniques et les Italiens avaient décidé de se débarrasser définitivement de la présence ottomane en Europe continentale et en Méditerranée. Cette volonté découlait en droite ligne de l’esprit de Lépante et de son vainqueur Don Juan d’Autriche. Quatre siècles après Charles-Quint, Balkaniques et Italiens réalisent son vœu. Les armées des nations balkaniques avaient repris la Macédoine, le Sandjak de Novi Pazar, le Nord de la Grèce (Épire, région de Salonique). Les Bulgares avaient atteint en deux points la Mer de Marmara et pris la ville d’Andrinople (Edirne). Les Italiens s’étaient rapidement emparé des villes de Libye, qu’ils ravitaillaient par leur flotte bien aguerrie, mais l’arrière-pays résistait, défendu par des troupes autochtones commandées par des officiers turcs, dont le principal n’était rien moins que Mustafa Kemal, le futur Atatürk. La marine ottomane, inexistante, impuissante face aux Italiens, ne peut gagner la bataille en Méditerranée. Malgré ses façades maritimes nombreuses, l’Empire ottoman était une puissance continentale sur le plan militaire. La pression dans les Balkans et en Afrique était trop forte : les Turcs sont contraints de capituler. Ils ne conservent que la Thrace et Edirne, que les Bulgares n’ont pas entièrement pu conquérir. Ils doivent céder la Libye à l’Italie qui la conservera officiellement jusqu’en 1945.

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    ◘ Traité de Brest-Litovsk (1918)

    Du nouveau à l’Est

    Le 3 mars 1918, les puissances centrales signent avec la nouvelle Russie soviétique un traité de paix à Brest-Litovsk

    Brest-LitovskAprès la révolution de février 1917 en Russie, la situation change sur le front de l’Est. Avant ce bouleversement politique, on se demandait si l’armée russe était encore capable de lancer une offensive ; désormais, on sait qu’elle va tout bonnement se liquéfier. Les nouveaux détenteurs du pouvoir essaient toutefois de maintenir cette armée en état de combattre, rien que pour respecter les engagements qu’impliquait leur alliance avec les autres puissances de l’Entente. Mais le peuple et les soldats russes en avaient assez de la guerre. L’offensive lancée par Kérensky durant l’été s’était rapidement enlisée et les troupes pliaient sous le choc de la contre-offensive allemande. Près de deux millions de soldats russes abandonnèrent alors leurs unités et désertèrent. À partir de septembre, sur tout le front de l’Est, les combats cessèrent, comme déjà en mars et en avril de la même année. Immédiatement après que les bolcheviques eurent commis leur putsch d’octobre 1917, ils entamèrent des tractations pour obtenir la paix.

    Le 8 novembre, le “Deuxième Congrès panrusse des ouvriers et soldats” accepte les propositions de paix suggérées par le nouveau gouvernement révolutionnaire. Toutes les machinations entreprises par le gouvernement du Reich allemand pour révolutionner la Russie avaient abouti. Les plans, qui voulaient que l’on transformât tout de suite les pourparlers à l’Est en négociations de paix, furent considérés avec grand scepticisme par le haut commandement allemand qui préféra entamer d’abord des négociations en vue d’un armistice pour ensuite commencer à négocier une paix définitive. On décida d’abord de mener les pourparlers à proximité du front. Au début du mois de décembre 1917, les négociations en vue d’un armistice se déroulèrent à Brest-Litovsk. Elle se terminent le 13 décembre. Les négociateurs allemands et russes s’étaient mis d’accord, dans un premier temps, de suspendre les hostilités jusqu’au 14 janvier 1918, suspension qui pouvait se prolonger automatiquement sauf si l’on faisait usage d’une clause prévoyant un délai de renonciation de sept jours.

    Dans la phase initiale des négociations, la Russie et les puissances centrales agissaient encore sur pied d’égalité. L’Autriche-Hongrie voulait à tout prix signer la paix avec la Russie, sans poser de conditions, mais le Reich allemand, lui, songeait à l’annexion de la Courlande et de la Lituanie. Les Soviétiques, pour leur part, surtout Trotsky, tentaient de faire traîner en longueur les négociations ; ils tenaient, dans cette optique, de longs discours propagandistes et espéraient ainsi déclencher d’autres révolutions partout en Europe.

    Lorsque, le 9 février 1918, les puissances centrales signent une paix séparée avec l’Ukraine, les négociations s’interrompent. Les bolcheviques exhortèrent alors les soldats allemands à tuer leur empereur et leurs généraux. Trotski déclare alors ne pas vouloir signer une paix qui impliquerait l’annexion de territoires ayant appartenu à l’empire russe. Mais, simultanément, il déclare que la guerre contre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie est terminée. Le 18 février 1918, les armées allemandes de l’Est, qui avaient déjà envoyé des divisions à l’Ouest contre les Franco-Britanniques, amorcent leur grande marche en avant, que l’on peut qualifier de “marche en avant par chemin de fer”, vu la disparition des armées russes. Les Allemands occupent alors toute la Lettonie et toute l’Estonie. Lénine reconnait aussitôt le danger que constitue, pour la révolution bolchevique, une pénétration plus profonde des armées “centrales” dans l’intérieur des terres russes et suggère d’accepter les propositions allemandes, y compris l’abandon de l’Estonie et de la Lettonie. Il met sa propre personne dans la balance : si les bolcheviques n’acceptent pas cette suggestion, Lénine démissionnera de tous ses mandats.

    Le 25 février 1918, le dernier volet des négociations commence : le Reich dicte littéralement la paix, sa paix, aux Soviets : la Russie bolchevique doit signer avant le 3 mars le traité et accepter les conditions voulues par les Allemands. La Russie perd alors bon nombre de terres non russes, comme la Finlande et les Pays Baltes, la Pologne et Batoum sur la Mer Noire. On a souvent comparé la paix signée à Brest-Litovsk au Diktat de Versailles. Plus tard, Lénine posera son jugement sur l’aberration qu’il y a à procéder à une telle comparaison : “Vous savez bien que les impérialistes alliés —la France, l’Angleterre, l’Amérique et le Japon— ont imposé le Traité de Versailles après avoir détruit l’Allemagne, mais ce traité est bien plus brutal dans ses effets que le fameux traité de Brest-Litovsk, qui a fait pousser tant de cris d’orfraie”.

    ► Matthias Hellner, zur Zeit n°10/2013.

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    ◘ Traité de Versailles (1919)

    GasparriLe rôle du Vatican dans l'élaboration du "Diktat" de Versailles

    • recension : Mannhart, Verrat um Gottes Lohn ? Hintergründe des Diktates von Versailles, Faksimile-Verlag, Bremen, 1985, 104 p.

    C'est un document très curieux qu'a réédité la Faksimile Verlag de Brème. Rédigé par un certain "Mannhart", ce texte, datant de 1938, accuse le Vatican d'avoir voulu la destruction de l'Allemagne prusso-centrée, née du génie politique de Bismarck. Procédant systématiquement, "Mannhart" a épluché toute la presse allemande, vaticane, italienne et française pour étayer sa thèse. Son travail a ceci d'intéressant qu'il aide à mettre en exergue les manigances d'Adenauer, catholique rhénan francophile. Et ainsi d'expliquer quelque peu la division actuelle de l'Allemagne, voulue dans les années 50 par le calamiteux ex-bourgmestre de Cologne.

    Si en août 1914 le Vatican de Pie X souhaite la victoire de l'Autriche-Hongrie, puissance catholique, contre les Serbes et les Russes orthodoxes, le vent tournera à Rome en octobre 1914 quand le Cardinal Gasparri [ci-dessus] devient "Secrétaire d'État du Vatican", autrement dit ministre des Affaires étrangères de l'Église. Le 7 janvier 1915, dans un journal américain, le New York Herald, les intentions de Gasparri apparaissent, à peine déguisées, pour la première fois : détacher les provinces catholiques de l'Allemagne du Sud de la Prusse protestante. Pour obtenir l'élimination du protestantisme en Allemagne septentrionale, donc pour "déprussianisé" l'ensemble créé par Bismarck, l’Église sera prête à tout, en tablant sur l'impérialisme français et en abandonnant l'Autriche-Hongrie. C'est parmi les partisans de cette "géopolitique" catholique que Clemenceau trouvera, en Allemagne, des alliés pour sa politique. À Versailles, le Vatican appuiera les annexions en faveur des nations catholiques, la France, la Belgique, l'Italie et la Pologne mais déplorera le démantèlement de la Monarchie austro-hongroise. Par la suite, ce jugement ambigu se maintiendra : anti-allemand à l'Ouest (en France et en Belgique, où la querelle se complique par l'avènement du mouvement flamand) et anti-bolchévique, c'est-à-dire anti-russe et relativement pro-allemand en Europe Centrale et en Europe de l'Est. "Mannhart" décrit avec minutie les complots du parti ultramontain en Allemagne pendant la guerre.

    ► Robert Steuckers, Vouloir, 1986.

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    ◘ Traité de Trianon (1920)

    • lire entrée Hongrie.

     

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    ◘ Traité de Rapallo (1922)

    16 avril 1922 : Traité de Rapallo : l’Allemagne vaincue en 1918 et l’URSS, sortant de la guerre civile qui avait opposé Blancs et Rouges, concluent un accord bilatéral, sous la houlette de leurs ministres respectifs, Walther Rathenau et Georges Tchitchérine. L’URSS renonce à réclamer des réparations de guerre à l’Allemagne, qui, en échange, promet de vendre des biens et produits d’investissement infrastructurel à la Russie rouge. La conférence de Gênes avait été suggérée par la Grande-Bretagne, pour régler l’ordre d’après-guerre, après que l’URSS ait refusé de payer les dettes de l’Empire des Tsars. Les Britanniques suggéraient une reconnaissance de l’URSS, l’établissement de relations diplomatiques normales et, surtout, visaient à récupérer des intérêts dans les pétroles de Bakou. Le financement par les Britanniques de la contre-révolution blanche avait pour objectif principal d’éloigner le pouvoir rouge, centré autour de Moscou et de Petersbourg, des champs pétrolifères caucasiens : les artisans de cette manœuvre étaient Churchill et le magnat Deterding, de la Shell. L’échec des armées blanches et la reconquête soviétique du Caucase obligèrent les Britanniques à changer de stratégie et à accepter d’intervenir dans le fameux « NEP » (Nouveau Programme Économique), lancé par Lénine. Au même moment, les Américains commencèrent à s’intéresser, eux aussi, au pétrole du Caucase, espérant profiter des déconvenues britanniques, suite à la défaite des armées blanches. Avant le coup de Rapallo, imprévu, un conflit frontal entre la Grande-Bretagne et les États-Unis se dessinait à l’horizon, ayant pour objet la maîtrise planétaire du pétrole. Il se poursuivit néanmoins, par personnes interposées, notamment en Amérique ibérique, mais le bloc informel germano-russe constituait désormais le danger principal, interdisant toute confrontation directe entre Londres et Washington.

    Rathenau n’avait nulle envie, au départ, de lier le sort de l’Allemagne à celui de la jeune URSS. Mais le poids colossal des réparations, exigées par les Français et les Britanniques, était tel qu’il n’avait pas d’autres solutions. En 1921, Londres avait imposé une taxe prohibitive de 26% sur toutes les importations allemandes, contrecarrant de cette façon toute possibilité de rembourser les dettes imposées à Versailles dans des conditions acceptables. L’Allemagne avait besoin d’une bouffée d’air, d’obtenir des matières premières sans avoir à les acheter en devises occidentales, de relancer son industrie. En échange de ces matières premières, elle participerait à la consolidation industrielle de l’URSS en lui fournissant des biens de haute technologie. L’ « Ultimatum de Londres » de 1921 avait exigé le paiement de 132 milliards de marks-or, somme que John Maynard Keynes jugeait disproportionnée, si bien qu’elle entraînerait à terme un nouveau conflit. Pire : si l’Allemagne n’acceptait pas ce diktat, finalement plus draconien que celui de Versailles, elle encourait le risque de voir la région de la Ruhr, son cœur industriel, occupée par les troupes alliées. L’objectif était de pérenniser la faiblesse de l’Allemagne, de juguler tout envol de son industrie, de provoquer un exode de sa population (vers les États-Unis ou les possessions britanniques) ou une mortalité infantile sans précédent (comme lors du blocus des côtes allemandes dans l’immédiat après-guerre).

    Avec le Traité de Rapallo, les Britanniques et les Français voyaient se dessiner un spectre à l’horizon : la relance de l’industrie allemande, le paiement rapide de la dette donc l’échec du projet d’affaiblissement définitif du Reich, et le développement tout aussi rapide des infrastructures industrielles soviétiques, notamment celles de l’exploitation des champs pétrolifères de Bakou, qui serait dès lors aux mains des Russes eux-mêmes et non pas de « patrons » anglais ou américains. Sur tout le territoire allemand, prévoyaient les accords bilatéraux de Rapallo, un réseau de distribution d’essence, dénommé DEROP (Deutsch-Russische Petroleumgesellschaft), permettant à l’Allemagne de se soustraire à toute dépendance pétrolière à l’égard des puissances anglo-saxonnes. Le 22 juin 1922, un peu plus de deux mois après la conclusion des accords de Rapallo, Rathenau fut assassiné à Berlin par un commando soi-disant nationaliste et monarchiste, relevant d’une mystérieuse « Organisation C ». À la fin de l’année, le 26 décembre 1922, Poincaré, lié aux intérêts anglais, trouve un prétexte — l’Allemagne n’a pas livré suffisamment de bois pour placer des poteaux télégraphiques en France — pour envahir la Ruhr. Les troupes françaises entrent dans la région dès le 11 janvier 1923. Les Anglais s’abstiennent de toute occupation, faisant porter le chapeau à leurs alliés français, sur qui retombe tout l’opprobre dû aux 150.000 déportés et expulsés, aux 400 ouvriers tués et aux 2.000 civils blessés, sans omettre dans cette sinistre comptabilité l’exécution du Lieutenant Léo Schlageter.

    L’assassinat de Rathenau n’est pas un fait historique isolé. Les organisations terroristes, chargées d’exécuter les planificateurs politiques de stratégies industrielles jugées inacceptables pour Londres ou Washington, n’ont pas toujours eu une couleur monarchiste et/ou nationaliste, comme dans le cas de Walther Rathenau. Les services anglo-saxons ont aussi, pour exécuter leurs basses besognes, des pantins d’extrême gauche, notamment ceux de la RAF ou Bande à Baader. Ainsi, Jürgen Ponto, Président de la Dresdner Bank, qui avait planifié, avec les Sud-Africains, le retour de l’étalon-or pour pallier aux fluctuations du dollar et du prix du pétrole, fut assassiné le 31 juillet 1977 par des tueurs se réclamant de la Bande Baader-Meinhof. Quelques semaines plus tard, ce fut au tour du « patron des patrons », Hanns-Martin Schleyer. Mais ce n’est pas tout. Le 29 novembre 1989, la voiture blindée d’Alfred Herrhausen, directeur de la Deutsche Bank, explose. Herrhausen avait été le conseiller économique du Chancelier Kohl, à l’époque de la dislocation de l’empire soviétique et des manifestations populaires en Allemagne de l’Est réclamant la réunification allemande. L’Allemagne projetait d’investir dans les nouveaux Länder de l’ancienne RDA, dans les pays de l’ex-Comecon et en Russie. Les milieux financiers anglais et américains craignaient que cette masse de capitaux, destinés au développement de l’Europe centrale et orientale n’alimentât plus les investissements européens et allemands aux États-Unis, ne permettant plus, par conséquent, de maintenir le système américano-centré à flot. La presse anglaise venait de faire campagne, via notamment le Sunday Telegraph, contre l’émergence d’un « Quatrième Reich ». Malgré l’assassinat de Herrhausen, le Chancelier Kohl annonça publiquement, quelques semaines plus tard, que son gouvernement envisageait le développement des grands moyens de communication en Europe, notamment la création d’un chemin de fer Paris-Hanovre-Berlin-Varsovie-Moscou.

    La mort tragique de Herrhausen fut le premier acte d’une contre-stratégie anglo-saxonne : pour ébranler cet axe Paris-Berlin-Moscou en gestation, il fallait frapper à deux endroits, dans les Balkans, où commence alors le processus de dislocation de la Yougoslavie, et en Irak, site des principaux champs pétrolifères de la planète. De Rapallo aux guerres contre l’Irak et de celle-ci à la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo, il existe un fil conducteur bien visible pour ceux qui n’ont pas la naïveté de prendre pour argent comptant les vérités de propagande diffusées par les grands médias internationaux et les discours larmoyants sur les droits de l’homme bafoués que glapissaient les Lévy, Glucksmann et autres Finkelkraut (Robert Steuckers).

    • Source (à lire et à relire !) : William ENGDAHL, Pétrole : une guerre d’un siècle – L’ordre mondial anglo-américain, éd. Godefroy, 2007.

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    ◘ Accords de Locarno (1925)

    TraitésL'Allemagne et la France à la fin de l'ère Locarno

    Franz KNIPPING, Deutschland, Frankreich und das Ende der Locarno-Ära, 1928-1931 : Studien zur internationalen Politik in der Anfangsphase der Weltwirtschaftskrise,  Oldenbourg, München, 1987.

    Parler aujourd'hui de l'entente franco-allemande postule nécessairement de revenir à cette époque de l'immédiat après-Locarno, aux espoirs de réconciliation qui se pointaient alors et à la dégradation progressive du dialogue entre les deux ennemis héréditaires de l'Europe de l'Ouest. Le zénith de l'entente franco-allemande fut marqué par la proposition de Briand de créer une Union européenne. Le 12 juin 1929, Briand propose à Stresemann de “liquider la guerre”, damorcer la construction d'une “fédération européenne” qui aurait pour tâche, sur le plan politique, de stabiliser notre continent et, sur le plan économique, de le protéger contre l’emprise américaine. Cette suggestion de Briand comprenait deux tendances : celle de démanteler la collaboration économique germano-américaine qui jouait au détriment de la France et celle, pure et idéaliste, de sauver la “civilisation européenne” du bolchévisme “ennemi de la culture” et de l'impérialisme économique américain. Ce plan souleva des enthousiasmes mais aussi le scepticisme du gouvernement allemand : celui-ci notait que l’idée d'une vaste coopération économique européenne avait de solides racines en Allemagne mais quà l’heure présente, l’Allemagne, tarabustée à Versailles par l’intransigeance française, devait conserver les acquis de ses relations spéciales avec les USA car la France, dans son ensemble, ne reflétait pas toutes les bonnes intentions de Briand. En fait, le pôle allemand, renforcé par sa coopération avec les États-Unis, était sur le point de dépasser en poids le pôle français et l'offensive de Briand, toute honnête qu'elle soit dans le chef de son initiateur, pouvait s'avérer une opération de charme française consistant à cimenter un statu quo favorable à Paris. Stresemann, quant à lui, répondit, quelques semaines avant sa mort, que la coopération européenne ne devait nullement se diriger contre les autres continent ni développer une orientation autarcique, tout en admettant que les multiples frontières de notre continent devaient cesser de transformer l'espace européen en une juxtaposition de petites économies boutiquières.

    Son successeur, Julius Curtius, commença par orienter sa politique vers une collaboration germano-britannique, puis vers une offensive diplomatique en direction de l’Europe centrale et des Balkans, ce qui entraînait inévitablement un ralentissement du dialogue franco-allemand et un ré-amorçage des exigences allemandes de révision du Traité de Versailles (Rhénanie, Sarre). Ce réamorçage conduit la France à proposer en 1930 l’institutionnalisation des idées paneuropéennes de Briand. Celle-ci prendrait d'abord la forme d'une "commission spéciale" de la SDN. Pendant que les Français s'efforcent de mettre cette commission au point, l'Allemagne, frappée durement par la crise, oriente sa politique économique vers le Sud-Est européen, si bien que deux mouvements européens finissent par se juxtaposer en Europe : le pan-européen de Briand et le “mitteleuropäisch” des Allemands, qui comprennent ce dernier comme une étape nécessaire vers la Pan-europe de Briand. Dans l'esprit des protagonistes, les deux mouvements vont se mêler étroitement et l'on assistera à moults confusions et quiproquos. Les nations de la "Petite Entente", la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la Yougoslavie, alliées de la France, finissent par comprendre que l'Allemagne seule peut absorber les surplus de leur production agricole et les payer en produits manufacturés. Qui plus est, les liaisons géographiques sont plus aisées entre ces pays et le Reich. La France, forte de son or, ne peut opposer que sa puissance financière à cette fatalité géographique. Les investissements français ne servent finalement qu'à favoriser l'importation dans les Balkans de produits français, sans que le marché français ne puisse absorber en suffisance les surplus agricoles balkaniques. Knipping reprend à l'historien français Georges Soutou l'expression “impérialisme du pauvre” pour désigner la malheureuse stratégie financière française dans la région. La puissance matérielle française, financière et militaire, a succombé devant les impératifs incontournables de la géographie. Il semble que l'intégration centre-européenne et balkanique soit un mouvement naturel qu'il est vain de vouloir enrayer.

    L'enseignement à tirer de cet ouvrage d'histoire, cest que Français et Allemands ne parlent pas de la même chose, lorsqu'ils parlent d'Europe. Les dimensions danubiennes et balkaniques semblent échapper à l’opinion française, tandis qu'en Allemagne, on leur accorde une priorité. Pour l’Allemand, la résolution des contradictions danubiennes et balkaniques est la première étape dans le processus d'intégration de l'Europe Totale. Se replonger dans les discussions qui ont animé les chancelleries entre 1928 et 1931, sous l'impulsion de Briand, est œuvre utile pour surmonter ce gros hiatus. Le travail de Knipping peut nous y aider.

    ► Robert Steuckers, Orientations n°10, 1988.

     

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