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Tchétchénie
Tchétchénie : foyer de turbulence
L’Occident s’allie aux islamistes pour affaiblir la Russie sur son flanc méridional
La Tchétchénie ne fait plus la une des médias internationaux. Officiellement, depuis 2009, la guerre (*) y est terminée : elle a sévi jadis dans cette république autonome de la Fédération de Russie, située sur le flanc septentrional du Caucase. Le détenteur du pouvoir, Ramzan Kadyrov est l’allié de Moscou : il est bien en selle et aucun rival crédible ne le défie. Mais, malgré cela, le feu couve. La résistance islamiste radicale poursuit ses activités dans la clandestinité : la quiétude apparente de la Tchétchénie pourrait bien finir brutalement.
En effet, dans une dépêche secrète du 30 mai 2006, dévoilée par la plateforme Wikileaks, l’ambasadeur américain en poste à Moscou, William J. Burns, écrivait, à propos de la Tchétchénie : « Nous nous attendons à ce que le salafisme continue à s’y développer ». La même remarque valait également pour 2 autres républiques autonomes de la Fédération de Russie : le Daghestan et la Karbardino-Balkarie.
Au départ, les Tchétchènes pratiquaient un islam relativement modéré. Mais les choses ont changé au moins depuis la première guerre de Tchétchénie (1994-1996), lorsque des combattants arabes sont arrivés dans le pays. Bon nombre d’entre eux avaient auparavant acquis de l’expérience au sein de la résistance afghane contre les troupes soviétiques. La principale source financière de ces combattants islamistes est bien sûr l’Arabie Saoudite, pays où le wahhabisme, expression extrêmement rigide de l’islam, est religion d’État. Le Président Kadyrov est considéré comme un musulman modéré et met plutôt l’accent sur l’identité nationale tchétchène, au contraire de son adversaire Chamil Bassaïev, tué en juillet 2006. Ce dernier entendait réintroduire la charia dans le Caucase. Le vide qu’a laissé Bassaïev après sa mort, les islamistes n’ont pu le combler.
Mais dans ce conflit tchétchène, qui dure maintenant depuis près de 2 décennies, il ne s’agit pas seulement d’importer cet islam “pur”. La Tchétchénie, qui est grande comme la moitié de la Belgique, est importante sur l’échiquier géopolitique mondial, car son territoire joue potentiellement un rôle-clef dans la stratégie d’encerclement que pratiquent les États-Unis contre la Russie. À travers le territoire tchétchène passent gazoducs et oléoducs qui acheminent les hydrocarbures de la région caspienne vers la Mer Noire. Si les États-Unis parviennent à interrompre ce flux ou à le contrôler, l’importance de la Russie comme pays de transit de l’énergie serait considérablement diminuée. Et si le transit de l’énergie dans cette région est amoindri, les trajets alternatifs, via l’Azerbaïdjan, la Géorgie ou les côtes méditerranéennes de la Turquie, les consortiums anglo-américains en seraient les grands bénéficiaires. À cela s’ajoute qu’une sécession éventuelle de la Tchétchénie provoquerait une réaction en chaîne : d’autres peuples caucasiens, comme les Ingouches, les Daghestanais ou les Tcherkesses exigeraient à leur tour le droit à l’auto-détermination.
Les indices s’accumulent depuis longtemps déjà qui permettent de conclure à une alliance calamiteuse mais indéfectible entre Washington et le fondamentalisme islamiste, surtout depuis l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan en décembre 1979. En décembre 2009, le Président Kadyrov déclarait que l’Occident voulait détruire la Russie au départ du Caucase. « S’ils obtiennent le contrôle du Caucase, on peut dire qu’ils disposeront alors du contrôle sur la Russie toute entière, car le Caucase est son épine dorsale ». Washington a justement choisi les Tchétchènes pour accroître démesurément les “coûts de l’empire” pour les Russes parce que ce peuple avait déjà opposé une résistance farouche à la pénétration russe dans la région au XIXe siècle.
En plus, il faut aussi savoir que les États-Unis et d’autres puissances occidentales ont littéralement couvert les régions nord-caucasiennes d’un réseau comportant environ une centaine d’ONG. Parmi elles : la Fondation Soros du spéculateur en bourse Georges Soros qui avait déjà joué un rôle non négligeable dans les “révolutions colorées” d’Ukraine et de Géorgie ; ensuite, la Fondation Carnegie, flanquées toutes deux, de fondations allemandes relevant des principaux partis du spectre politique de la Bundesrepublik, telles la Fondation Konrad Adenauer (CDU), la Fondation Friedrich Ebert (SPD) et la Fondation Heinrich Böll (Verts). Cet ensemble voit ses activités coordonnées depuis Washington. Dans un article publié par le Center for Research on Globalization, qui se montre très critique à l’endroit des processus de mondialisation, et dû à la plume de Nikolai Dimlevitch en 2010, la propagande de toutes ces fondations a pour objectif « d’influencer en permanence les peuples du Caucase pour qu’ils cessent d’accepter leur intégration culturelle à la Fédération de Russie, pour que les sociétés du Caucase mettent un terme à leurs orientations pro-russes et pour qu’elles s’imprègnent de l’idéologie haineuse de la russophobie, laquelle doit à terme devenir le fondement d’une nouvelle identité caucasienne ».
Parmi les ONG qui s’affairent à ce long travail de lobbying, il y a notamment l’American Committee for Peace in Chechnya (ACPC), dirigé par Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller de l’ex-président américain Jimmy Carter. La liste des membres de l’ACPC se lit comme une sorte de “Who’s Who” des faucons néo-conservateurs : Elliot Abrams, important conseiller de George W. Bush ; William Kristol, idéologue en chef des néo-conservateurs ; Richard Perle, surnommé le “Prince des Ténèbres” et principal avocat de la guerre contre l’Irak, ou encore James Woolsey, ancien directeur de la CIA. La tâche première de l’ACPC est de créer un climat médiatique toujours favorable à la rébellion tchétchène en présentant la situation de manière partisane et unilatérale, la Russie comme fautrice des malheurs du Caucase, tout en la clouant au pilori comme la puissance qui ne cesse jamais de fouler aux pieds les droits de l’homme.
Pourtant, lors des 2 guerres de Tchétchénie, les combattants islamistes tchétchènes ont commis des horreurs, comme l’atteste indirectement un document de 2006, révélé par Wikileaks et émanant toujours de l’ambassadeur américain Burns : « Les combats réels ont été menés pendant quelques années par les forces tchétchènes qui ont géré la guerre comme elles l’entendaient et non pas de la façon dont les militaires russes voulaient qu’ils la mènent ; cela a eu des conséquences heureuses car elles tuaient tout Russe se trouvant sur leur chemin ».
► Bernhard Tomaschitz, zur Zeit n°7/2012.
* Aux origines du conflit thétchène : Le 5 septembre 1991, le président du Comité exécutif du Congrès national tchétchène, le général Djohar Doudaev, ancien membre de l’Armée de l’air soviétique, s’empare du pouvoir à la suite d’un coup d’État. Il déclare l’indépendance de la Tchétchénie le 2 novembre 1991. Les 3 années qui suivent voient le pouvoir russe tenter de négocier, tout en étant obligé de tolérer la nouvelle autonomie tchétchène. La Tchétchénie forme ses propres infrastructures civiles et militaires et des mouvements islamistes extrémistes venus du Moyen-Orient et d’Asie centrale s’infiltrent de façon plus ou moins marquée dans les milices locales. La Tchétchénie refuse de signer l'adoption de la Constitution de la Fédération. Par ailleurs, des désaccords internes sur la conduite à tenir vis-à-vis du pouvoir central moscovite et l'opposition politique au pouvoir du président tchétchène Doudaev se conjuguent pour conduire à la guerre civile. Le pouvoir russe prend conscience que les groupes tchétchènes rebelles et extrémistes représentent un danger non négligeable pour la préservation des frontières du territoire russe et qu’ils risquent d’entraîner les pays voisins dans leurs revendications indépendantistes : après avoir instauré la Charia comme loi officielle en janvier 1999, ces groupes extrémistes se livrent à des enlèvements et des détournements de pétrole, échappant à tout contrôle.
L’Occident américanisé veut-il un « anti-terrorisme politiquement correct » ?
Début octobre 2010, le secrétaire du conseil russe de sécurité, Nicolaï Patrouchev a déclaré, devant les représentants d’un sommet rassemblant 44 pays à Sotchi : « L’objectif principal d’Al Qaeda est la création d’un califat islamique. Le réseau terroriste vise les pays d’Asie centrale, d’Afrique du Nord ainsi que les républiques caucasiennes de la Fédération de Russie. Les peuples musulmans de ces régions sont dès lors invités à renverser leurs gouvernements ». Patrouchev, qui a derrière lui une longue carrière dans les services soviétiques et russes, et officie aujourd’hui au FSB, est convaincu d’un fait : Al Qaeda déploie des activités terroristes dans le monde entier, ce qui indique que cette organisation dispose de structures internationales efficaces, dirigées en ultime instance par un chef ou du moins une direction unique.
Cette déclaration et cette conviction de Patrouchev ne doivent pas nous faire oublier que presque tous les attentats commis dans le monde sont attribués par les médias à Al Qaeda ou à ses filières et avatars. Or les services américains et russes ne jugent pas ces filières et avatars de la même façon. Leurs analyses sont très souvent divergentes. Exemple : le Hizb ut-Tahrir, soit le « Parti de la libération », qui a pour but avoué d’édifier le califat universel, est considéré par les Russes et les dirigeants des pays d’Asie centrale comme une organisation terroriste dangereuse. Pour la Maison Blanche, ce n’est pas le cas. Ce groupe de la mouvance djihadiste a pignon sur rue aux États-Unis. Il y est toléré et nullement banni.
L’indulgence américaine pour certains avatars avoués d’Al Qaeda est suspecte. En effet, quand l’exécutif russe use de la manière forte dans les affrontements qui l’opposent aux terroristes islamistes, l’Occident atlantiste s’insurge, avec gros trémolos dans la voix, contre la « barbarie russe ». Récemment encore, en septembre 2010, la Présidente de la sous-commission pour les droits de l’homme du Parlement européen, Heidi Hautala, s’est déclarée fort préoccupée par la situation dans le Caucase septentrional, région qui fait partie de la Fédération de Russie. Madame Hautala se trouvait, il y a quelques semaines, à Beslan, la ville martyre de l’Ossétie du Nord : elle n’a trouvé qu’à se lamenter sur les retards pris par la Russie à appliquer les critères des droits de l’homme dans le Caucase et a fait inscrire ses inquiétudes à l’ordre du jour de consultations bilatérales entre la Russie et l’UE.
En clair, ces réticences atlantistes, exprimées par Madame Hautala, ne participent pas d’une compassion anticipée et réelle pour ceux qui seraient éventuellement victimes d’un arbitraire de l’exécutif, comme elle ne relèvent pas davantage d’un sentiment de pitié pour les enfants innocents massacrés par centaines par les terroristes islamo-tchétchènes. Non, ce discours vise à faire pression sur la Russie pour qu’aucune mesure de lutte efficace contre le terrorisme ne soit prise dans la région. Et, par extension, dans toutes les républiques musulmanes d’Asie centrale. Il s’agit dès lors d’une intervention indirecte dans les affaires intérieures de la Fédération de Russie et des républiques d’Asie centrale.
Il est étrange, aussi, que jamais les instances moralisatrices de l’UE ne se soient insurgées contre les entorses apportées à la liberté de circulation et au droit d’association et contre les autres mesures vexatoires (visa, fouilles corporelles, mesures policières agressives dans les aéroports américains à l’encontre de citoyens européens totalement innocents) prises aux États-Unis à la suite des attentats de septembre 2001. Sous prétexte qu’Al Qaeda a commis des attentats à New York, des citoyens européens sont malmenés aux États-Unis, souvent sous des prétextes futiles ou totalement idiots, sans que l’UE, le Parlement européen ou la sous-commission dans laquelle s’agite Madame Hautala ne croient bon de protester vigoureusement et d’interpeller les autorités américaines. Deux poids, deux mesures.
La Russie et les pays d’Asie centrale sont également des victimes d’Al Qaeda. Les donneurs de leçons atlantistes n’auraient pourtant, en toute logique, rien à récriminer contre les mesures préventives et répressives que ces pays pourraient prendre : les États-Unis ont, eux aussi, pris des mesures, parfois draconiennes. Et si les États victimes du terrorisme rampant que sont la Fédération de Russie et les pays d’Asie centrale se montraient trop laxistes à l’endroit des terroristes, ils pourraient être accusés par les mêmes atlantistes de porter assistance à Al Qaeda et deviendraient alors, par une simple pirouette dialectique, des « États voyous », au même titre que l’Iran ou la Syrie.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a profité du sommet de l’ASEM (Asia Europe Meeting), pour demander aux Occidentaux de mettre un terme à leur politique hypocrite de 2 poids, 2 mesures dans quelques questions épineuses, celles du terrorisme, du trafic de drogues et de la criminalité internationale. Le camp atlantiste parle en effet beaucoup de morale mais couvre des pratiques qui ne sont aucunement morales.
► Pietro Fiocchi, Rinascita du 6 octobre 2010.
Caucase : échec au terrorisme
Plus de 40 terroristes ont été tués ou arrêtés récemment au cours d’une opération spéciale menée dans la zone frontalière entre la Tchétchénie et l’Ingouchie. L’agence de presse RIA Novosti l’annoncé le 15 juillet dernier, en rapportant le contenu d’un communiqué du ministère ingouche de l’intérieur, Rouslan Meïriev. L’opération anti-terroriste avait commencé le 16 mai 2009 et avait occupé jour et nuit les forces armées des 2 républiques autonomes de la Fédération de Russie. Selon le ministère, personne ne connaît le nombre de combattants qui se cachent dans les forêts ou les montagnes. Une chose est certaine désormais : ils ont de moins en moins d’effectifs sur lesquels ils peuvent vraiment compter. « Les membres des formations illégales — précise un membre du ministère de l’intérieur ingouche — se déplacent continuellement d’un territoire à l’autre. Aujourd’hui ils sont dispersés et isolés ; nos opérations sont un succès car ils ne sont plus en mesure de commettre des attentats à grande échelle ». Mais le travail de nettoyage n’est pas terminé. Chaque jour qui passe permet aux troupes loyales de Tchétchénie et d’Ingouchie de découvrir de nouvelles cachettes d’armes et de munitions.
► article paru dans Rinascita, 16 juil. 2009.
Tchétchénie : le renseignement occidental soutenait les séparatistes
MOSCOU, 22 avril 2008 — RIA Novosti. Les services secrets occidentaux ont mis au point dans les années 1990 un plan visant à rendre effective l'indépendance de la Tchétchénie vis-à-vis de la Russie, affirme un documentaire intitulé « Plan Caucase » qui sera diffusé mardi soir sur la chaîne publique russe Pervi Kanal. Selon un communiqué publié par la chaîne, la France imprimait des passeports d'Itchkérie (le nom donné à la république par les séparatistes), et des armements étaient acheminés vers la république à travers la Géorgie dans le cadre de cette opération.
Le citoyen turc d'origine tchétchène Aboubakar, connu depuis 40 ans sous le pseudonyme de Berkan Iachar, à la suite d'un contrat signé avec la CIA, raconte l'organisation dans les années 1990 d'une plateforme politique visant à obtenir la sécession de la république russe. Selon lui, ce projet était financé par plusieurs États. Les passeports destinés à la République d'Itchkérie étaient imprimés par la France, la monnaie était fondue en Allemagne. « Dans les années 1990, Aboubakar devient en quelque sorte l'éminence grise à travers laquelle on réalise les transactions financières plus ou moins juteuses destinées aux combattants du Caucase du Nord », affirment les réalisateurs du documentaire.
Selon eux, une des affaires les plus secrètes remonte au temps du leader séparatiste Djokhar Doudaïev dans les années 1990. M. Iachar participe alors à la mise au point d'un plan visant à acheminer illégalement des pierres précieuses à l'aéroport de Grozny. « Le bénéfice dégagé servait à acheter des armes. Il ne s'agissait pas de sommes très importantes, entre 10 et 20 millions de dollars à chaque convoi », a confié Aboubakar, selon lequel cette filière n'a été découverte que plusieurs années plus tard. « Ce ne sont que quelques exemples du soutien fourni par les services secrets étrangers à la sécession de la Tchétchénie », affirme le documentaire.
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