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AhmadinedjadIran : Khamenei contre la “culture laïque” d’Ahmadinedjad

Le “Guide Suprême” ordonne la création d’un organe politique pour contrer la politique culturelle “nationaliste” du Président

La politique culturelle du gouvernement iranien de Mahmoud Ahmadinedjad est jugée désormais “laïque” et “nationaliste” par les tenants d’un islamisme strict et sourcilleux. L’Ayatollah Ali Khamenei et le clergé “conservateur”, duquel il est fort proche, jugent qu’il faut mettre un holà à cette politique “impie”.  Les choses sont allées loin : le “Guide Suprême” a ordonné la création d’un Conseil culturel supérieur pour le Progrès, afin d’influencer directement les orientations culturelles du pays.

Ce nouveau conseil — explique le site d’information Digarban — travaillera parallèlement au Conseil supérieur de la Révolution Culturelle, contrôlé, lui, par la Présidence. En pratique, il s’agit d’un organe politique faisant office de “doublure” et à l’intérieur duquel on ne retrouve aucun membre de l’équipe gouvernementale. Le Conseil Supérieur de la Révolution Culturelle est un organe de décision en République islamique d’Iran, qui a pour tâche de fixer les orientations politico-culturelles du pays. Les tâches de ce Conseil comprennent dès lors, entre bien d’autres choses, d’accorder des licences pour fonder des universités ou des facultés universitaires privées et d’assumer la coordination de tous les centres culturels du pays.

La démarche que vient de poser Khamenei — ajoute le site Digarban —pourrait lui permettre d’intervenir directement en matières de politiques culturelles sans devoir passer par l’autre Conseil, celui que contrôle la Présidence.

Cela fait un petit temps déjà que les milieux conservateurs et religieux iraniens critiquent Ahmadinedjad sous prétexte qu’il mènerait une politique trop inspirée par le nationalisme iranien classique plutôt que par l’islamisme. Pendant l’été 2010, le chef de cabinet Esfandiar Rahim-Mashai avait insisté sur la nécessité, pour l’Iran, de créer une “école iranienne” au sein de l’Islam, afin, laissait-il sous-entendre, d’accorder la priorité aux intérêts réels du pays.

Or c’est justement contre Rahim-Mashai, bras droit d’Ahmadinedjad, que se sont déchainées les attaques “conservatrices” de ces dernières semaines, culminant dans l’accusation de “sorcellerie” ! Suite à cette accusation, plusieurs collaborateurs du Président ont été arrêtés.

Ces dernières semaines, le conflit entre Ahmadinedjad et l’aile ultraconservatrice du clergé, dirigée par le président du Parlement Ali Larijani et du puissant ex-Président Akbar Hashemi Rafsanjani, s’est considérablement envenimé. D’une part, le Président a procédé à un remaniement significatif du gouvernement pour assurer à ses plus fidèles alliés les positions clefs ; d’autre part, ses adversaires ont lâché contre lui la magistrature, pouvoir constitutionnel proche du “Guide Suprême” et des “conservateurs” (le chef de la magistrature iranienne actuelle est l’Ayatollah Sadeq Amoli Larijani, frère d’Ali Larijani).

À la mi-mai 2011, plusieurs sites de l’Internet, favorables à Ahmadinedjad, ont été fermés ou ne sont plus accessibles. Face à ces attaques, les forces qui soutiennent le Président ont fait savoir qu’elles étaient prêtes à faire descendre dans les rues de Téhéran des centaines de milliers de gens pour protester avec toute la véhémence voulue contre la politique d’intimidation qu’orchestre, contre la politique présidentielle, le clergé autour de Khamenei.

► Ferdinando Calda, Rinascita, 25 mai 2011.

 

Ahmadinedjad

 

Ahmadinedjad hérisse le clergé chiite

Les milieux conservateurs iraniens reprochent à Ahmadinedjad d’avoir célébré la fête traditionnelle et païenne du Nowruz

Dimanche 27 mars 2011 à Téhéran : Mahmoud Ahmadinedjad, président de l’Iran, a inauguré officiellement les célébrations du Nowruz, fête traditionnelle persane du Nouvel An. Cette initiative a suscité bon nombre de critiques de la part des milieux conservateurs et religieux, parce qu’elle est d’essence non islamique. La cérémonie s’est tenue en présence des présidents d’Afghanistan (Hamid Karzaï), d’Irak (Djalal Talabani), du Turkménistan (Gurbanguly Berdimuhammadov), du Tadjikistan (Emomali Rahmon) et d’Arménie (Serzh Sargsyan). Des représentants d’une vingtaine d’autres pays assistaient également à la célébration, comme le ministre de la Santé indien, le ministre des Affaires étrangères d’Oman, le ministre de la Culture du Kirghizistan, le vice-président de Zanzibar et le secrétaire général de l’Organisation de la Coopération économique (OCE). En 2 ans, c’est la seconde fois consécutivement que l’Iran accueille les dirigeants des pays de la région pour célébrer le nouvel an persan par ce festival international du Nowruz.

Malgré ce succès diplomatique indéniable, les milieux conservateurs et religieux iraniens rejettent avec véhémence les racines païennes et préislamiques de cette fête et voient dans l’initiative d’Ahmadinedjad une dérive de plus vers le “laïcisme”. « L’Iran a ses fondements sur les seules valeurs islamiques », — a souligné, ces derniers jours, Abdolnabi Namazi, un ayatollah membre de l’Assemblée des experts, tout en dénonçant les dangers du “nationalisme”, vu l’accent mis sur les festivités traditionnelles du Nowruz. De son côté, le député conservateur Ahmad Tavakkoli, l’un des critiques les plus acerbes d’Ahmadinedjad, a demandé au gouvernement de « suspendre les festivités en signe de solidarité avec les citoyens des pays musulmans », tués lors des révoltes qui ont animé ces dernières semaines. 

Les polémiques n’ont nullement empêché le bon déroulement des festivités du dimanche 27 mars 2011 mais ont néanmoins eu quelques conséquences. Le gouvernement, par ex., a dû annuler — officiellement par “manque de temps” — les célébrations qui devaient avoir lieu dans la ville de Chiraz, proche des ruines de l’antique Persépolis, à cause de l’opposition que leur manifestaient les milieux conservateurs qui voyaient en elles une réminiscence des fastes donnés en 1971 par le dernier Shah pour les 2.500 ans de l’impérialité iranienne, fêtes qui s’étaient précisément tenues à Chiraz.

Ce n’est pas la première fois, du reste, que les milieux religieux et conservateurs se sont dressés contre les positions qualifiées de “laïques” du Président Ahmadinedjad ; selon ces milieux, celui-ci se montrerait trop intéressés aux aspects nationaux et nationalistes de l’histoire iranienne et moins aux aspects religieux. Pendant l’été 2011, par ex., Ahmadinedjad a dû répondre à plusieurs questions parlementaires à la suite des déclarations de son chef  de cabinet, Esfandiar Rahim-Mashai, qui avait souligné la nécessité de soutenir une “école iranienne” au sein de l’islam, tout en faisant comprendre qu’il fallait par là donner la priorité aux intérêts du pays. À plusieurs reprises, comme lorsqu’il s’est agi de remettre en question l’interdiction pour les hommes de porter la cravate et l’obligation pour eux de se laisser pousser la barbe, de nombreux porte-paroles du clergé chiite iranien ont invité Ahmadinedjad à « ne pas s’occuper de questions religieuses ».

► Ferdinando Calda, Rinascita, 29 mars 2011.

Commentaire : La carte iranienne traditionnelle permet une meilleure diplomatie dans la région. Les tradition persanes préislamiques sont aux yeux de tous plus séduisantes que le fondamentalisme islamiste de Khomeiny. C’est parce qu’il avait pratiqué une politique semblable que le Shah avait été éliminé par les Américains via l’artifice de la révolution islamiste. Les islamistes actuels travaillent pour les États-Unis en sabotant toute diplomatie iranienne traditionnelle, qui, elle, attire la sympathie de tous les voisins de l’Iran. Des clivages qu’il serait bon de garder en tête lorsque l’on pose un jugement, quel qu’il soit, sur la politique et la géopolitique du Moyen-Orient irano-centré.


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