VOULOIR n° 101-104
Printemps 1993
DOSSIER : JAPON
◘ SOMMAIRE :
ACTUALITÉ
- Les guetteurs d'avenir (M. Jobert)
- Contre la VIe République (P. Le Vigan)
- Promenade en “Jacobinie” (T. Jigouriel)
- Communiqué : de Sarajevo à Solingen (ICDE)
- Six questions à Gilles Munier [sur l'Irak] (RS)
- Notes sur le nationalisme au Chili et en Amérique (G. Andrade)
- L'avenir des peuples : une nouvelle donne pour 1993 ? (P. Jouet)
- Droites, nationalismes et fascismes dans l'espace yougoslave (M. Schwartz)
JAPON
- Itinéraire (RS) [ci-dessous]
- Le Japon, puissance atypique (L. Sorel)
- L'anatomie de la dépendance (S. Boninsegni)
- Le Japon dans la guerre des continents (V. Molodiakov)
- Une réussite : le système éducatif japonais (Y. Sauveur)
- Asie orientale et puissance américaine (K. Dipak Raj Pant)
- La géopolitique japonaise hier et d'aujourd'hui (B. Haggman)
- Les composantes ethniques du peuple japonais (Dr. C. Nancy)
- Le Japon, le succès d'une “voie prussienne” (J. Schüsslburner)
- Le Japon et le “Nouvel Ordre Asiatique” (1931-1945) (M. Pisani)
- Les ressorts communautaires de la société japonaise (S. Boninsegni)
LETTRES
- “L'Étoile de l'Empire Invisible” de Jean Parvulesco (D. Mata)
- Amalgame & Cie (M. Landelout)
RACINES
- La symbolique pré-chrétienne du Westhoek à la Frise (entr. av. K. Logghe)
- L'œuvre de Herman Wirth (RS)
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Itinéraire :
C'est la parution d'un ouvrage à connotations japonophobes qui nous a convaincus de publier ce dossier sur le Japon. II s'agit, en l'occurrence du livre de Stéphane Benamou, 50 honorables raisons de détester le Japon (Albin Michel, 1992). Effectivement, lorsque l'on dresse un inventaire des motifs de détestation que doit essuyer un peuple étranger, de surcroît ressortissant d'une grande race différente de la nôtre, ce pourrait être, du moins dans le contexte actuel, une incitation à la xénophobie voire au racisme. Personne n'a porté plainte, pas même la LICRA ou le MRAP ou le MRAX, donc les juges n'ont pas eu à trancher. Tant mieux : ç'aurait été un procès idiot de trop. Et cela a permis de freiner quelque peu la glissade vertigineuse vers le discrédit dans lequel tombent nos magistratures de quadragénaires ou de quinquagénaires soixante-huitards, travaillés par l'andropause et la ménopause. Avis aux skinheads en mal de victimes : avec les Japonais, on peut.... Je préfère, pour ma part, adopter une autre tactique, étrangère au racisme et à l'hystérie. Les motifs de détestation, donc d'exclusion, qu'énumère avec beaucoup de zèle Benamou, ont le mérite d'être révélateurs. Révélateurs d'une volonté idéologique et non politique. Aux yeux de cette idéologie dominante post-soixante-huitarde, rien n'est bon, tout doit être changé, balayé, remplacé par on-ne-sait-trop-quoi mais un quelque-chose qui sera bon, gentil, rose, soft, sweet, cool ou branché. On a le choix des adjectifs. Et, pour Benamou, la quintessence du Grand Satan, c'est le Japon ! En effet, Hiro-Hito a été un criminel de guerre, il y avait un Mengele au Japon et Mishima était fou. Les Japonais sont narcissiques et s'engouent pour des théories de la japonité qu'ils appellent nihonjinron, qui les rendent schizophrènes dans leur société qui est corrompue (rappelons-nous tout de même la parabole de la poutre et de la paille) et ne respecte pas les contrats et les conventions internationales. En plus, ce peuple que Buck Danny appelait les “citrons”, est obsédé par la pureté, si bien que les burakumin sont victimes, là-bas, d'un apartheid invisible (que Benamou, heureusement pour nos consciences, va rendre visible, grâce aux 241 pages qu'il a noircies), tandis que la société admet l'élimination des fous (ici, ils servent d'alibi à des œuvres “charitables” qui s'en mettent plein les poches). II y a quelques bons Japonais : les zazous, mais ils sont censurés. Le Japon est totalitaire, parce qu'il y a là-bas un consensus mythique, assorti d'un abus de courbettes. Pire, certains “intellectuels” japonais développeraient une psychanalyse sans Freud ! Et l'enseignement serait une sorte de Trivial Pursuit et les entreprises commettraient le péché de paternalisme. Pour couronner le tout : Mr. Sony aurait, crime abject, « déclaré la guerre à l'Amérique », comme un vulgaire Saddam Hussein mongoloïde (Verra-t-on de modernes chasseurs “Zéro” mitrailler Disneyworld ?). Bref, ce parfait petit manuel de l'obsession anti-nippone nous semble relever de la contre-information ou, plus exactement, de ce que Parménide, déjà, appelait la « Voie de l'opinion », contraire de la « Voie de la Vérité ». Notre dossier n'écoutera que l'histoire, qui nous enseigne effectivement que les Japonais, comme tous les autres peuples de la Terre, sont différents de nous et que leur expérience existentielle en tant que peuple historique, ne leur permet pas d'avoir des réflexes et des institutions pareilles aux nôtres. Ces différences, le bon sens nous interdit de les condamner. Et l'intelligence nous ordonne d'en prendre acte, car, effectivement, le Japon est aujourd'hui une grande puissance, dont nous devons tenir compte. Qui plus est, ce statut de grande puissance, le Japon le doit à certaines de ses institutions et de ses modèles comportementaux. Raison pour laquelle la japonologie est une science qui n'a plus rien d'exotique, mais devrait faire partie de l'ABC du diplomate et du diplômé en sciences politiques. Je ne crois pas que l'ouvrage de Benamou soit idoine en ce sens. Nous avons donc composé notre propre dossier (on n'est jamais mieux servi que par soi-même), qui est évidemment loin d'être exhaustif. (RS)