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    ellul010.jpgJacques Ellul et la “Révolution immédiate”

    Les éditions de la Table Ronde viennent d'éditer des Entre­tiens avec Jacques Ellul, réalisés entre 1981 et 1994 par Patrick Chastenet. Né le 6 janvier 1912 à Bordeaux d'un pè­re italo-serbe et d'une mère franco-portugaise, Jacques Ellul rencontre chez les étudiants protestants Bernard Charbon­neau, un éclaireur unioniste qui l'entraîne dans des randon­nées pyrénéennes et galiciennes. Il découvre alors les œu­vres de Karl Marx, de Soren Kierkegaard et de Karl Barth. Patrick Chastenet énonce ainsi les thèses partagées alors par les 2 amis : « une démocratie authentique suppose de la part de la population des vertus morales, un pouvoir cen­tralisé peut faire régner l'oppression au nom de la volonté populaire, une constitution libérale est inapte à protéger les libertés si elle s'accommode du despotisme administratif, la passion du bien-être est mère de la servitude, l'excès d'éga­lité peut faire perdre aux hommes jusqu'au goût de la liber­té ». Ils constatent que la « puissance passe de moins en moins par la politique » et de plus en plus par la science et la technique. Ils rencontrent Emmanuel Mounier en 1933 et vont animer « une tendance “gasconne” du personnalisme dont l'originalité commence à peine aujourd'hui à être re­connue par les historiens ».

    À partir de 1935, le courant passera moins bien entre les Bordelais et Mounier. Ils entrent alors en relation avec Denis de Rougemont et Alexandre Marc, responsables de L'Ordre Nouveau. Mais Ellul et Charbonneau n'y trouvent pas cette dimension de petits groupes communautaires qui « n'auraient pas pour but de renverser le régime mais de témoigner, ici et maintenant, de la révolution immédiate », car « pour faire la révolution... il ne suffit pas de partager les mêmes idées, il faut être capable de les vivre en commun et au quotidien, si possible au contact de la nature ». Ellul rédige une Direction pour la construction d'une société personnaliste qui vise à préparer des cadres devant limiter au maximum leur partici­pation à la société technicienne. Il prône le fédéralisme pour coordonner les communautés autonomes. Révoqué par le gouvernement de Vichy en qualité de fils d'é­tranger, Ellul s'improvise agriculteur en Gironde et participe à la Résistance sans prendre les armes. « Il siège à plusieurs procès de la collaboration et fait en sorte que l'épuration ne s'accompagne d'aucun excès ». Il renonce à un poste de pré­fet pour se consacrer à ses étudiants et écrire une cinquan­taine de livres traduits en 12 langues. Éloigné des inté­gristes comme des progressistes, ce protestant non calvinis­te, pionnier de l'écologie politique, « a continué d'incarner les valeurs chrétiennes et libertaires dont il s'est toujours récla­mé, avec une rare constance de la part d'un intellectuel fran­çais. Indifférent aux modes, ignoré des chaînes de télévi­sion, cet esprit libre n'a pas hésité à nager à contre-courant pour conserver son intégrité ». Un itinéraire singulier digne d'intérêt.

    ♦ Patrick Chastenet, Entretiens avec Jacques Ellul, La Table Ronde, 209 p.

    ► Jean de Bussac, Nouvelles de Synergies Européennes n°6, 1994.

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    ♦ Voir aussi :

     


    « EthnocideEurope »

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