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Porc
Symbolisme du cochon chez les Indo-Européens
Les termes pour désigner le porc domestique nous apprennent beaucoup de choses sur notre lointaine antiquité. Dans la langue italienne, il y a 3 substantifs pour désigner l’animal : maiale, porco et suino (en français : suidé ; en néerlandais : zwijn ; en allemand : Schwein et Sau). Le dernier de ces termes, en italien et en français, sert à désigner la sous-famille dans la classification des zoologues. L’étymologie du premier de ces termes nous ramène à la déesse romaine Maia, à qui l’on sacrifiait généralement des cochons. L’étymologie du second de ces termes est clairement d’une origine indo-européenne commune : elle dérive de *porko(s) et désigne l’animal domestiqué (et encore jeune) en opposition à l’espèce demeurée sauvage et forestière ; on retrouve les dérivées de cette racine dans le vieil irlandais orc, dans le vieil haut allemand farah (d’où le néerlandais varken et l’allemand Ferkel), dans le lituanien parsas et le vieux slavon prase, dans le latin porcus et l’ombrien purka (qui est du genre féminin). Ces dérivées se retrouvent également dans l’aire iranienne, avec *parsa en avestique, terme reconstitué par Émile Benveniste, avec purs en kurde et pasa en khotanais. Quant au troisième terme — suino — il provient de l’indo-européen commun *sus, dont la signification est plus vaste. La plage sémantique de ce terme englobe l’animal adulte mais aussi la truie ou la laie et le sanglier. Les dérivés de *sus abondent dans les langues indo-européennes : en latin, on les retrouve sous deux formes, sus et suinus ; en gaulois, nous avons hwch ; en vieil haut allemand sus, en gothique swein (d’où l’allemand Schwein), en letton suvens, en vieux slavon svinu, en tokharien B suwo, en ombrien si, en grec hys, en albanais thi, en avestique hu et en sanskrit su(karas). Dans la langue vieille-norroise, Syr est un attribut de la déesse Freya et signifie “truie”.
Comme l’a rappelé Adriano Romualdi, « le porc est un élément typique de la culture primitive des Indo-Européens et est lié à de très anciens rites, comme le suovetaurilium romain, ainsi que l’attestent des sites bien visibles encore aujourd’hui ». Les Grecs aussi sacrifiaient le cochon, notamment dans le cadre des mystères d’Éleusis. Chez les Celtes et aussi chez les Germains (notamment les Lombards), nous retrouvons la trace de ces sacrifices de suidés. Le porc domestique est de fait l’animal le plus typique de la première culture agro-pastorale des pays nordiques. Parmi d’autres auteurs, Walther Darré nous explique que cet animal avait une valeur sacrée chez les peuples indo-européens de la préhistoire et de la protohistoire : « ce n’est pas un hasard si la race nordique considérait comme sacré l’animal typique des sédentaires des forêts de caducifoliés de la zone froide tempérée (…) et ce n’est pas un hasard non plus si lors des confrontations entre Indo-Européens et peuples sémitiques du bassin oriental de la Méditerranée, la présence du porc a donné lieu à des querelles acerbes ; le porc, en effet, est l’antipode animal des climats désertiques ».
Il nous paraît dès lors naturel que les patriciens des tribus indo-européennes, lors des cérémonies matrimoniales, continuaient à souligner les éléments agraires de leur culture, en sacrifiant un porc, qui devait être tué à l’aide d’une hache de pierre. Nous avons donc affaire à un sens du sacré différent chez les Indo-Européens et chez les Sémites, qui considèrent les suidés comme impurs mais qui, rappelle Frazer, ne peuvent pas le tuer : « à l’origine — explique-t-il —, les juifs vénéraient plutôt le porc qu’ils ne l’abhorraient ». Cette explication de Frazer se confirme par le fait qu’à la fin des temps d’Isaïe, les juifs se réunissaient secrètement dans des jardins pour manger de la viande de suidés et de rongeurs selon les prescriptions d’un rite religieux. Ce type de rite est assurément très ancien. En somme, conclut Romualdi, « la familiarité de la présence de porcins est un des nombreux éléments qui nous obligent à voir les Indo-Européens des origines comme un peuple des forêts du Nord ».
Dans sa signification symbolique, le porc est associé à la fertilité et son sacrifice est lié à la vénération due aux dieux et à la conclusion des pactes et traités. Avec la prédominance du christianisme dans l’Europe postérieure à l’antiquité classique, le porc a progressivement hérité de significations que lui attribuaient les peuples sémitiques, notamment on a finit par faire de lui le symbole de l’impudicité, des passions charnelles, de la luxure, avant de l’assimiler au diable. Dans la Bible, en effet, le “gardien de cochons”, image de l’Indo-Européen agropastoral des premiers temps, est une figure méprisée et déshonorante, comme le fils prodigue de la parabole, réduit à garder les porcs d’un étranger.
► Alberto Lombardo, article paru dans La Padania, 30 juillet 2000. (tr. fr. : RS)
Le cochon : porte-bonheur ou vecteur d’ « impureté » ?
Mes lecteurs me posent des questions ? Je réponds ! Un lecteur veut savoir pourquoi le cochon est un animal symbolique positif en Chine, de même qu’en Europe (“Schwein haben” en allemand signifie “avoir de la chance”), alors qu’au Moyen Orient, on le considère comme un animal impur. De fait, ce lecteur pose là une question bien utile. Surtout en ces jours où des organisations caritatives distribuent du bouillon de porc et quelques tranches de pain aux sans-abri, ce qui provoque immédiatement un tollé chez les tenants les plus délirants du “politiquement correct”. Un juge parisien vient d’interdire cette générosité culinaire parce qu’elle constituerait une discrimination à l’endroit des musulmans, alors que les dites organisations caritatives n’ont jamais eu la moindre intention d’empêcher un pauvre, quelle que soit sa religion, de recevoir son bol de soupe. Pour brouiller encore les pistes et insinuer qu’il y a de l’antisémitisme dans l’air, certains agents désinformateurs ont même été jusqu’à affirmer que ces distributeurs de soupe discriminaient et les clochards juifs et les clodos musulmans ; les Juifs, que je sache, n’ont jamais cherché, au cours des siècles, à imposer leurs interdits alimentaires aux autres comme le font aujourd’hui les musulmans dans nos écoles et nos prisons. Quoi qu’il en soit, ces manipulations rhétoriques ne s’avèrent possibles que parce qu’à la base le judaïsme et l’islam interdisent effectivement de consommer de la viande de porc, tandis que les religions dominantes en Europe et en Asie orientale s’abstiennent de prononcer un tel interdit.
On explique généralement que cette différence provient de ce que les matrices territoriales de ces différentes religions se situent chaque fois en des zones climatiques différentes. Contrairement aux bovins, ovins et caprins, qui sont exclusivement herbivores, les porcs sont omnivores. Les végétariens n’ont pas entièrement tort lorsqu’ils nous disent que la consommation de viande génère de l’impureté. Les moutons possèdent un système intestinal de dimension très longue afin qu’ils puissent tranquillement absorber et épurer les éléments nutritifs de leur alimentation. Les lions en revanche possèdent un système intestinal court pour pouvoir, après une digestion sommaire, se débarrasser aussi rapidement que possible de la viande qu’ils ont absorbée et qui entre en putréfaction dans leur corps. Au départ, le porc, lui aussi, était végétarien, et donc son système intestinal n’est pas parfaitement adapté à une diète faite de viande. Ils deviennent ainsi assez aisément la proie de vers, de parasites et d’autres germes pathologiques. D’autres animaux carnivores, consommés par l’homme, ont souvent transmis des maladies dangereuses pour l’être humain, notamment la volaille qui nous transmet la grippe.
Transmission de maladies
Ceux qui tabouisent la consommation de viande de porc prétendent dès lors que leur position est rationnelle ; d’autres éléments apportent de l’eau à leur moulin : l’animal aime se vautrer dans la saleté et le rôle qu’il joue dans la transmission de maladies. À cela s’ajoutent l’amour immodéré du porc pour la boue et le fait qu’il ne mange pas d’herbes mais concurrence l’homme dans la manducation de fruits et de graines.
Cette carte d’identité biologique du porc entraine plus de problèmes dans certaines zones climatiques que dans d’autres. Un climat froid, avec de longues périodes de gel, procure à intervalles réguliers, une phase de désinfection générale, tandis que dans les climats chauds tous les microbes et bactéries prolifèrent sans arrêt. En Inde, il y a chaque année prolifération de vermines de toutes sortes juste avant la mousson. Pendant la saison torride, même les moustiques estiment qu’il fait trop chaud pour voler mais après les premières pluies, moustiques, cancrelats et scorpions apparaissent par centaines de millions. Les cadavres commencent alors immédiatement à pourrir : c’est la raison pour laquelle on les brûle le jour même de leur décès avant le coucher du soleil (ou qu’on les enterre s’ils sont musulmans). Sous de tels climats, on ne prend aucun risque avec tout ce que l’on considère comme vecteur d’impureté.
Ce problème n’existe pas dans le nord. En Chine, qui est une civilisation née dans le bassin du Fleuve Jaune (Huanghe), nous avons affaire à une zone climatique modérément froide, comparable à nos latitudes. Il n’y existe aucun tabou alimentaire. On y mange de tout : des serpents, des singes, des insectes, des tortues et donc aussi du porc. C’est même cet animal-là qui forme l’essentiel de l’élevage en Chine. Le signe chinois, qui signifie tout à la fois “maison”, “foyer” et “famille” (jia), est constitué d’un toit, avec, sous lui, un cochon. Les Chinois accueillent l’Année du Cochon avec joie et les jeunes mariés espèrent, au cours de ces 12 mois, avoir un enfant.
Et qu’en est-il parmi les peuples indo-européens, que l’on a improprement appelés naguère “Aryens”, selon le nom que se donnaient les Indo-Iraniens ? L’opposition nord-sud, que nous avons évoquée en début d’article, est aussi d’application dans le monde indo-européen. En Europe et en Russie, le porc est totalement accepté dans les régimes alimentaires. En Asie du Sud, il n’entre pas dans la cuisine, même chez ceux qui ne suivent pas un régime végétarien. Le sanskrit ne connaît d’ailleurs pas de mot pour désigner le “porc domestiqué” ; il ne connaît seulement qu’un mot, varahaa, pour le “porc sauvage”. Seules les castes “impures”, les plus basses dans la hiérarchie indienne, gardent quelque fois des porcs ; il y a souvent des émeutes quand un de leurs porcs s’échappe et s’égare dans un quartier musulman.
Et qu’en est-il entre l’Inde et la Russie, en Asie centrale ? Cette région nous réserve une fameuse surprise. Les archéologues savent que s’ils tombent sur un site de 2000 av. JC qui ne contient aucun trace de la présence de porcs, ils l’identifient automatiquement comme indo-européen (1). C’est pour eux une règle d’or. Éviter la viande de porc était donc une caractéristique typique des “Aryens”, qui les distinguaient des autres peuples de cette vaste région. On ne doit donc pas partir du principe qu’il y a, d’une part, des Sémites hostiles au cochon et, d’autre part, des “Aryens” adorateurs du cochon.
Vishnou le Sanglier
Malgré ce rejet du porc chez leurs ancêtres, les Hindous, qui ne mangent pas davantage de porc que les musulmans, ont réussi tout de même à jeter un trouble sacré parmi les musulmans, en évoquant un suidé. Les adorateurs de Vishnou croient que leur dieu se montre à intervalles réguliers dans le monde par le truchement d’une incarnation. Ces incarnations suivent une sorte de modèle ascendant, comme dans la doctrine de l’évolution de Darwin, raison pour laquelle cette doctrine évolutionniste n’a jamais choqué les Hindous. Bien avant que Vishnou ne viennent sur terre, en tant que Rama, ou que Krishna, il fut successivement poisson, tortue et, ensuite, sanglier (varaaha). Les musulmans s’insurgent lorsque les chrétiens présente Dieu sous la forme d’un homme souffrant ou humble, comme Jésus le fils du charpentier, ou Krishna comme conducteur de chariot. Alors quand on représente Dieu sous les formes d’un suidé, on tombe pour eux dans le blasphème suprême !
► article paru dans ‘t Pallieterke, Anvers, 21 février 2007. (tr. fr. : RS)
Note :
(1) (ndt) Les Indo-Européens d’Asie centrale sont nomades. L’élevage du porc est signe de sédentarité, comme l’indique d’ailleurs le signe chinois « jia », évoqué par notre auteur.