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Soleil
Le culte solaire
Une part considérable des rituels païens se réfère plus ou moins intensément à la force du soleil et à sa course dans le ciel. Les grands rituels festifs saisonniers au moment des solstices et le rituel de remerciement pour les récoltes sont très nettement des rituels solaires. Quant aux rituels qui ponctuent le cours de la vie, ils se réfèrent également, via la symbolique du feu, à des formes du culte solaire et de la vénération pour cet astre. La vénération de la lune et les formes rituelles du culte lunaire ne se retrouvent que sporadiquement dans les rituels solaires que nous venons d'évoquer. Nous nous concentrerons donc, ici, sur le savoir relatif au culte solaire dont nous disposons, mis à part les rituels solsticiaux, qui méritent une analyse plus spécifique.
Le rite solaire païen
Nous pouvons avec certitude avancer l'hypothèse que la vénération de la lune constitue un phénomène plus ancien que le culte de la force solaire. Cela se comprend aisément : les phases de la lune sont plus perceptibles que celles du soleil ; la lumière de la nuit est plus mystérieuse et plus magique. Chez la plupart des peuples indo-européens, même s'ils ont utilisé un calendrier lunaire lors des phases initiales de leur développement, la vénération religieuse a surtout mis l'accent sur le soleil et leur calendrier se base principalement sur la course du soleil. Tacite nous apprend que les Germains fixaient leurs fêtes, les assemblées de leur Thing et leurs cérémonies de sacrifice d'après la position de la lune mais organisaient des feux rituels en l'honneur de la puissance du soleil, assorti d'acte cultuels et hélio-magiques (faire rouler des roues de feu, des courses au flambeau, etc.). Ces rituels avaient lieu lors des 4 moments les plus saillants de la course du soleil, soit lors des solstices et des équinoxes. La vénération du soleil comme donateur de la fertilité et de la croissance a été conservée jusqu'à nous, dans la coutume d'allumer des feux de Pâques. Le feu de la Beltaine, feu de Bel, chez les Celtes, avait lieu le 1er mai et été consacré au dieu Belenos, dont le surnom Grannus (de l'irlandais grain : soleil) indique son caractère nettement solaire.
La tradition nordique nous rapporte que lors des actes rituels, le rapport à la direction de la course du soleil était important pour la réussite de l'invocation magique. « Toute magie malfaisante doit avoir lieu à l'opposé de la course du soleil (vieux-norrois : andsaelis, rangsaelis), tandis que tout acte bienfaisant, donc tout acte cultuel, doit être posé dans le sens du soleil, indicateur de l'heure (rem. : c'est-à-dire dans le sens de la course du soleil ; vieux-norrois, réttsaelis) » (1).
Pourtant, c'est un fait indubitable que, dans tout l'espace indo-européen, il n'y a apparemment jamais eu de dieu ou de déesse solaire au plein sens du terme, si l'on fait abstraction de la déesse Diana des Scythes. Les Indo-Européens n'ont pas connu de mythe solaire comparable à celui d'Osiris en Égypte. Leur culte solaire se réfère bien plutôt à la force donatrice de vie du soleil et de la lune, en tant qu'unité cosmique, comme nous pouvons le constater en étudiant la symbolique du char solaire de Trundholm. Le soleil y est représenté comme un disque d'or, fixé à un char tiré par des chevaux (rappelons qu'en 1384 avant notre ère le Roi d'Égypte Akhnaton avait fait représenter le dieu solaire Ré par un disque). La face arrière du disque solaire de Trundholm, en bronze, et la division de la face avant en 9 cercles intérieurs et 27 cercles extérieurs permet de formuler l'hypothèse que le char solaire peut être mis en rapport avec le culte lunaire. Ce qui n'est pas nécessairement une contradiction, car, comme nous allons le voir, soleil et lune entretiennent un rapport étroit d'ordre cultuel et cosmique et sont mis sur pied d'égalité. On admet généralement aujourd'hui que ce char solaire est la représentation en miniature d'un char cultuel que l'on promenait sur un parcours solaire-magique, comme nous l'indiquent les cultes de Nerthus (en Allemagne du Nord) et de Freyr (en Suède). Dans le Rig-Veda, c'est le cheval Etaza qui tire la roue solaire dans le ciel. Le parcours rituel était une représentation symbolique du couple sacré Soleil-Terre, où la différence entre les 2 astres est expliquée en termes sexués. Le soleil ou le fils du soleil donne sa semence sous la forme de rayons solaires et féconde la terre, qui, elle, reçoit cette semence et donne naissance à une vie nouvelle.
L'ancienneté et l'enracinement profond de ce culte solaire agrarien sont attestés par l'érection de pierres, coutumes encore pratiquées, comme dans la paroisse de Hafling au Tyrol, où le peuple dresse une Sonnenstein (une pierre solaire), sur laquelle figurent un bon-homme-soleil, un arbre de vie, un trèfle et plusieurs serpents symbolisant le cycle annuel. Dans les vallées tyroliennes ombragées, comme l'Ahrntal et le Vinschgau, existait encore la coutume populaire, au début des années 70, d'accourir, certains jours, au devant du soleil levant avec un récipient plein à ras bord de lait.
Le culte solaire archaïque a connu son apogée à l'Âge du Bronze, comme en témoignent les monuments de pierre des Externsteine, de Carnac et de Stonehenge. Ces 3 lieux de culte préhistoriques étaient (et sont encore) des lieux cultuels voués au soleil et, en même temps, des agencements très précis permettant l'observation des astres afin de déterminer la date des solstices et d'apprendre un maximum de choses sur la course du soleil.
Les Externsteine
L'âge des Externsteine, près de Horn, n'est pas déterminé avec précision. Il est toutefois indubitable que ces rochers naturels ont été transformés par des mains humaines, servies par des cerveaux qui savaient le cours des astres, et sont devenus ainsi un temple solaire ou un poste d'observation astronomique. Les ouvertures solaires dans le roc donnent sur le soleil levant au jour même du solstice d'été, soit sur le Nord-Est (plus précisément à 47° de déclinaison par rapport à l'Est). À côté de leur fonction astronomique, les Externsteine étaient un centre religieux d'initiation pour les prêtres. Au pied du rocher, on trouve un cercueil de pierre ; on l'utilisait dans le rituel de la mise en cercueil initiatique. Au-dessus de ce cercueil figure un arc solaire que l'on peut interpréter comme étant le plus petit arc du cycle annuel : c'est l'arc originel. Au cours de la mise en cercueil, le candidat initié meurt une mort symbolique et sa résurrection est le renaissance symbolique de l'initié. La cérémonie de la mise en cercueil se retrouve aujourd'hui encore dans certaines loges maçonniques, dans le rite du retour du maître.
Stonehenge et l'Olympe
Stonehenge a été construit vers 2000 avant notre ère et a été transformé et complété au moins 2 fois pendant l'Âge du Bronze. D'après la tradition celtique, le Mage Merlin y aurait officié et le Roi Arthur aurait livré sa dernière bataille dans les environs immédiats du temple. Les légendes nous parlent aussi du retour cyclique du dieu solaire Apoll, qui séjournerait tous les 19 ans à Stonehenge. Mais est-ce une légende ? Non. Car à la fin de chaque cycle de 19 ans calendrier lunaire et calendrier solaire se confondent. Des calculs effectués par ordinateur ont démontré que le site du temple de Stonehenge était en fait un instrument de mesure astronomique géant et, même en comparaison des moyens actuels, un instrument très précis. L'axe du site indique très nettement le point du lever du soleil au moment du solstice d'été. Le cercle des 48 pierres sert à mesurer les mois. Le cercle des 30 pierres à déterminer les subdivisions du jour. Et les 21 pierres restantes à observer le mois de l'année bissextile. Si l'on multiplie le nombre des pierres entre elles, on obtient le chiffre de 1461. Une année compte 365 jours 1/4, tous les 4 ans vient une année bissextile et 4 années ont ensemble 1.461 jours !
À proximité immédiate du temple solaire, les archéologues ont découvert une sorte de piste de course ou de stade, dont le schéma de base ressemble étonnamment à celui des stades grecs. Ce qui nous permet d'émettre l'hypothèse qu'à Stonehenge, on organisait tous les 4 ans une fête qui durait 5 jours, couplée à des combats sportifs et rituels. Les Jeux Olympiques traditionnels ont eu lieu pour la première fois à Olympie en 776 avant notre ère (premières listes de vainqueurs historiquement attestées), ensuite tous les 4 ans au moment du solstice d'été. Pendant 5 jours le force des participants se concentrait dans les joutes sportives. Pendant les 13 premières olympiades, seule la discipline de la course était autorisée. Les Jeux Olympiques étaient à cette époque des fêtes symboliques et des concours rituels, que l'on organisait aux jours où le soleil déployait le plus fortement sa puissance. On peut donc parfaitement émettre l'hypothèse que les Jeux Olympiques étaient à l'origine des fêtes solsticiales. Leur tradition s'est perpétuée, avec des interruptions, et remonte à environ 4.000 ans.
L'avenir solaire
Pour pratiquer le culte solaire, il est nécessaire de détenir un savoir astronomique, astrologique et cosmographique, car les actes rituels des cérémonies du cycle annuel sont ancrés très précisément dans les événements cosmiques. Culte et rituels ne font pas que répondre passivement aux actions du cosmos et du monde mais exigent une participation active aux constellations de forces qui régentent l'univers. Le culte solaire est dans ce sens un culte moniste qui allie les éléments de la religiosité naturaliste à ceux de l'intelligence rationnelle en un tout cohérent, dont les composantes correspondent aux connaissances scientifiques. La vénération du soleil ne satisfait pas seulement nos aspirations à trouver causalité et raison, mais apaise aussi les besoins les plus profonds de notre psyché et de notre sentimentalité.
Observer et honorer le soleil : c'est une des questions centrales, sinon LA question centrale, de la survie de l'humanité. La force et l'énergie du soleil feront croître plantes et animaux dans l'avenir comme depuis l'éternité. Mais il y aura mieux : par le truchement des cellules solaires et des collecteurs d'énergie solaire, on pourra accumuler et stocker de l'électricité et de la chaleur, sous forme de gaz hydrogéné. La force divine du soleil et la capacité des hommes à utiliser cette énergie, permettront de passer d'un approvisionnement énergétique centralisé, très dangereux (l'énergie nucléaire), à un approvisionnement énergétique écologique et décentralisé. Il reste à espérer que le potentiel de l'énergie solaire soit exploité, convivialement, pacifiquement et écologiquement et que nos sociétés, dans l'avenir, pourront se passer des appareils policiers et des systèmes de surveillance que nous a imposé l'industrie nucléaire.
Au-delà de sa signification technologique et physique, le soleil demeure envers et contre tout la source directe d'énergie pour toute vie organique. Le soleil, en tant que donateur d'une énergie en rayons indispensable à toute vie, symbolise la force du divin qui anime les rythmes de la vie. La trajectoire de la terre dans le cosmos et l'intensité des rayons du soleil déterminent les saisons et, partant, la fertilité des champs. Le soleil est pour nous le symbole du principe premier, pur et rayonnant, qui s'offre sans le moindre égoïsme pour que d'autres croissent. Le message solaire jette les bases d'un développement éthique et religieux de l'homme et de son esprit. « L'impression totalement spiritualisée que suscite en nous la lumière et le soleil éveille en nous le souhait d'aller toujours plus haut, et, simultanément, l'impression de bien-être corporel que nous transmet le chaleur du soleil, provoque une intensification et un élargissement de la vie physique » (2). Notre vénération s'adresse à la plus intense des forces cosmiques, au plus haut symbole du spirituel, au symbole de l'amour et de la facette lumineuse de l'homme. Le rituel solaire sera donc toujours un culte du soleil et de la lumière, indépendamment des circonstances, que nous fêtions, le jour du Jul, la naissance du nouveau soleil ou que nous accompagnions un ami sur le chemin d'un autre monde...
Le caractère naturaliste des rituels païens fait découvrir à l'homme de nouvelles formes, plus dignes, de religion, dépassant le monothéisme abstrait, avec ses rites tournés vers l'au-delà. Un jour peut-être, quelqu'un aura l'idée de rebâtir un temple du soleil, en s'inspirant de l'esprit du culte solaire. Un temple néo-païen, en pierre, en bois ou en arbres vivants... Peut-être...
► Björn Ulbrich, Combat païen n°12, 1990.
(extrait de Im Tanze der Elemente : Kult und Ritus der heidnischen Gemeinschaft, Arun-Verlag, Vilsbiburg)
♦ Notes :
(1) Jan De Vries, Altgermanische Religionsgeschichte, Berlin, 1970, Bd. I, 3. Aufl.
(2) Julius Evola, Magie als Wissenschaft vom Ich, Ansata, Interlaken, 1985.♦ Articles connexes : « Le culte solaire chez les peuples germaniques » (F. Hallmann) ; « La vision cosmique des Indo-Européens » (entr. av. J. Haudry)
Sur la fête de l’Aurore
Il est probable qu'une troisième classe de divinités s’insérait initialement entre celle du ciel diurne et celle du ciel nocturne : les divinités du ciel rouge, auroral et crépusculaire, en particulier les Aurores (1). L'intention d'une fête de l'Aurore a donc une certaine ambiguïté : soit elle vise à encourager l'Aurore contre l'offensive imminente du temps nocturne ; soit à renforcer l'Aurore contre sa propre lassitude.
Dans la religion cosmique, l'Aurore est l'intermédiaire obligé entre tous les dieux. Aussi, tantôt elle est une actrice énergique qu'il est très difficile de se concilier, surtout lorsque les rencontres qu'elle agence ont un caractère militaire, tantôt elle est l'objet de sévères disputes entre les 2 forces qui la convoitent. En fait, l'Aurore est à la fois une déesse fille, mère et épouse des dieux, notamment ceux du ciel diurne.
Hiérogamie
Homère, dans le chant 14 de l'Iliade, narre l'union de Zeus et d'Héra sur le sommet du Gargaros. Schéma mythique : la scène se passe au printemps. Le retour du printemps est symbolisé par l'union amoureuse des deux divinités. Le lieu, la montagne, est essentiel. Il existe par ex. une “montagne de l'année”, le Lycabette dont le nom s'explique par le souvenir d'une liaison entre l'année et la montagne. La “montagne” de l’année est celle où se manifeste le retour du soleil : celle dont sortent les “Aurores de l’année”.
Le mythe de Vala
Selon le Veda, un être mythique, Vala, retient prisonnier dans une caverne les éléments de la création. Vala prospère grâce à cette rétention. Il faut qu'il soit assiégé par un Dieu armé de la parole et accompagné d'un chœur (le récit affirme qu'ils sont 7) pour que, fracturé par la parole, il relâche les biens de la création (2).
La caverne de Vala apparaît comme un enclos qui abrite les forces vitales entre deux cycles. Un tel lieu pourrait être connu par les mythologies de plusieurs peuples indo-européens. En Europe du Nord, les éléments qui permettront une vie nouvelle après la destruction du monde, lors du Ragnarök, sont sauvegardés dans le Gimlé. Puisque Vala symbolise l'hibernation de la Création accompagnée de l'affaiblissement de la nature, Vala fracturé c'est l'assurance du retour de la vie, du printemps. Ce retour est représenté par la délivrance des Aurores, les vaches d'abondance.
L'Aurore crée une filière
Selon les linguistes, il devait exister une formule indo-européenne : “Fendre la montagne par la formule pour faire luire la lumière cachée”. À partir de cette formulation, un réseau d'homologies est établi entre : lumière ; éveil ; vitesse vigueur et courage ; victoire. Parallèlement il existe une homologie entre chanter et luire.
L'Aurore, captive de la nuit silencieuse, est accompagnée de bruissements de la nature lorsqu'elle parait. D'où l'association entre l'apparition de la lumière et le bruissement, la rumeur matinale. Par inversion de l'effet et de la cause, le chant (ou bruissement) a délivré l’Aurore des ténèbres.
Selon les hymnes védiques à USAS l'Aurore, celle-ci préside au retour de la lumière solaire. En tant que bonne déesse, l'Aurore prodigue elle même ses dons, tout ce qui permet de subsister et d'être heureux. L'Aurore introduit la lumière en tant qu'éclairante, opposée à l'obscurité. Elle ouvre la succession des rites : elle met en rapport les dieux et leurs fidèles. Mais, simultanément, elle ouvre une longue saison avec un contenu incertain, imprévisible. En éclairant, elle éveille les acteurs de la comédie humaine et elle leur propose leur action. Elle ramène à la vue et à la mémoire les fins et les moyens de l'action de chacun, en sorte qu'elle entretient un rapport avec la déesse romaine Fortuna.
Rome et Mater Matuta (3)
Le jour romain commence à minuit et l'année débute après le solstice d'hiver car il existe une “bonne” obscurité, grosse du soleil, transmettant à l'Aurore l'enfant lumineux en train de naître. L'Aurore est considérée comme la mère adoptive du Soleil : elle le recueille. Ici, nuit et aurore ont en commun une œuvre maternelle. Ces “sœurs” sont des mères collaborantes. Soit elles sont les deux mères d'un même enfant, le Soleil (ou le Feu céleste) ; soit l'Aurore prend livraison du fils de la nuit et le soigne à son tour (le Soleil étant remplacé, en Inde, par le Feu des offrandes).
Le service de la déesse se décompose en deux temps :
- Aux matralia (11 juin), deux actions sont effectuées : Négative, chasser l'obscurité ; positive, recevoir le jeune soleil. Mater Matuta est la protectrice du plus brillant des nouveaux-nés, donc protectrice d'une catégorie de jeunes enfants.
- Deux jours après, les Aurores récalcitrantes (rôle tenu par des travestis), sont ramenées malgré elles et par ruse, à leur devoir.
Ovide signale que le jour des Matralia, les mères offrent des gâteaux en forme de roue, cuits dans un moule, et de couleur jaune. Cela se réfère à la naissance du soleil.
Conclusion
L'Aurore est à la fois : la compagne des guerriers (éveil, courage) ; celle des poètes (fendre la montagne par la formule) ; la porteuse de dons (bienfaits de la lumière opposée aux ténèbres) ; la garante du bon ordre du monde (une fois le souverain nocturne évincé, le jeune Dieu solaire peut naître). Ces multiples aspects sont à intégrer dans la fête de l'Aurore qui demande aussi que l'on choisisse entre la “montagne de l'aurore”, ou la “fracture de la caverne” comme rite inaugural.
► Frédéric Valentin, Nouvelles de Synergies Européennes n°40, 1999.
♦ Notes :
(1) Jean Haudry : La religion cosmique des Indo-Européens, Arché / Belles Lettres, 1987.
(2) Patrick Moisson : Les dieux magiciens dans le Rig-Veda, Archè-Edidit, 1993, p. 36 et suivantes.
(3) Georges Dumézil : Mythe et Épopée, III, 2ème partie : la saison de l'Aurore, Gallimard, 1990.Le culte solaire chez les peuples germaniques
Contrairement aux Grecs et aux Romains, qui adoraient des divinités solaires, les Germains considéraient que la puissance du soleil, qui donnait vie à tous les êtres, était, pour eux, une des puissances les plus sacrées. Les innombrables symboles solaires que l’on découvre sur les parois rupestres du Nord de l’Europe depuis l’âge du bronze, souvent sous la forme de roues solaires, en témoignent de manière fort éloquente. Certains d’entre ces symboles ont plus de 3500 ans. Jusqu’ici, il a été quasiment impossible d’interpréter avec précision ces signes gravés dans les rochers. Par ailleurs, le déchiffrement des signes trouvés, au nombre d’environ 7.500, sur un rocher canadien, à Petersborough dans la province d’Ontario, nous donne l’espoir d’un jour pouvoir déchiffrer les milliers de graffitis de l’Ultima Thulé scandinave. C’est un professeur britannique, Barry Fell, qui nous a donné la clef d’un tel déchiffrement. Les deux alphabets de runes primitives, qu’il est parvenu à déchiffrer, il les a appelés “Tifinag” et “Ogham”. Son œuvre peut se comparer au dévoilement du mystère des hiéroglyphes égyptiens par le Français Champollion et à la découverte du sens des anciens alphabets grecs du “Linéaire A” et du “Linéaire B” par Michael Ventris. Grâce à Champollion et à Ventris des pans entiers de la culture antique et protohistorique nous sont désormais accessibles.
Les spécialistes allemands des religions et des mythologies, le Dr. Wolfram Goegginger et le Prof. Gustav Mensching ont, dans un ouvrage reproduit récemment en facsimilé, Volksreligion und Weltreligion im deutschen Brauchtum (= Religion populaire et religion universelle dans les coutumes allemandes ; Faksimile-Verlag, Brème, 266 p., 1996) ont surtout mis en exergue les cultes solaires germaniques et souligné leur grande importance. Le livre, dans sa première édition, date de 1944 et avait été publié auprès d’une maison d’édition de Riga en Lettonie. L’ensemble du stock avait été détruit lors d’un bombardement allié, alors qu’on le transportait vers l’Allemagne. La nouvelle édition fait donc œuvre utile. On considère désormais ce travail comme un ouvrage standard dans la littérature sur l’histoire des religions.
Thèse initiale du travail: au départ de la religion populaire germanique primitive, on peut évoquer diverses fêtes du printemps, du soleil et de l’hiver, assorties de traditions précises, tant et si bien que la pratique de cette religion populaire peut être considérée comme une création purement germanique. On ne s’étonnera pas, dès lors, que l’Église, au moment où le christianisme pénétrait dans l’espace germanique et scandinave, ait tout mis en œuvre pour détruire ces traditions mythiques bien ancrées depuis la nuit des temps, comme d’ailleurs toutes les autres coutumes et monuments “païens” de nos lointains ancêtres.
On comprendra aisément que des populations contraintes de vivre dans de sombres forêts pendant près d’une demie année d’obscurité vont adorer l’astre solaire avec une vénération plus forte que les peuples du Sud.
En partant d’une présentation de l’essence de la religion chrétienne, pour laquelle, comme pour l’islam et le bouddhisme, l’individu est central, nos deux auteurs montrent, dans leur ouvrage, que la religiosité des anciens Germains est affirmatrice de la vie au contraire de la religion chrétienne qui méprise le monde et s’affirme anti-vitaliste.
Nous n’avons pas la place ici d’énumérer, même sommairement, toutes les coutumes principales de la liturgie annuelle pratiquée par nos ancêtres, raison pour laquelle il conviendrait d’acheter et de lire ce livre remarquable, qui comble une formidable lacune dans l’histoire des pratiques religieuses en Europe.
Nos auteurs évoquent notamment les combats printaniers contre les dragons, représentant les puissances hivernales et mortifères, des fêtes de la fertilité et des rites liés aux plus anciennes divinités (Odin, Thor, Frigga, etc.), ainsi que les fêtes de l’Ostara et du Huld, qui, elles, évoquent la reprise de parole de Dieu. Parmi les cultes commentés, signalons le “labourage sacré”, au moment où commence le printemps ; ces cultes indiquent que ces peuples avaient acquis un degré élevé de culture comme le montrent aussi les nombreux dessins rupestres où figurent des chariots et des nefs à haute étrave ou haut étambot. Ces populations n’étaient donc pas des nomades primitifs en état d’errance perpétuelle, comme le prétendaient les missionnaires chrétiens, en pensant qu’ils leur apportaient les premiers éléments de religion.
Les dessins rupestres représentent souvent, dans un contexte religieux, des arbres de vie (apparemment l’Arbre du Monde, le Frêne Yggdrasil), ce qui implique un culte des arbres et de la forêt omniprésente sous ces latitudes. L’arbre de Noël en est un écho, surtout lorsqu’il est décoré d’artifices lumineux, ainsi que la fête qu’il célèbre, celle du Jul. On sait que ces coutumes ne viennent pas d’Orient mais de l’espace germanique et scandinave, à partir duquel elles se sont répandues dans le monde. Ce n’est pas un hasard si le missionnaire Boniface fit abattre le chêne dédié à Thor à Hohengeismar en Hesse dès son arrivée en Germanie en l’an 724 ! De même, l’Arbre de Mai, dénommé soit “Maistande” (le mât de Mai) ou “Maibaum”/”Meiboom” est le symbole de la nouvelle vie en phase de germination. Les jeux festifs du moment solsticial sont encore considérés en Scandinavie comme la plus importante des fêtes de la Lumière, placée sur le même plan que la Noël. L’Église a débaptisé cette fête du solstice d’été en l’appelant “feux de la Saint Jean”.
Dans ce livre magnifiquement relié et reproduit en facsimilé sur les cultes et les traditions, la première partie est due à la plume de W. Goegginger, tandis que la seconde, dont l’auteur est G. Mensching, traite de l’opposition qui existe naturellement entre religiosité populaire (ou naturelle) et religiosité universaliste, en assortissant cette distinction de premier ordre de réflexions fort profondes. Mensching oppose donc les religiosités purement naturelles aux religiosités qui se borne à n’exercer qu’un culte. Les religiosités naturelles représentent dès lors l’idéal de communauté, de dimensions tribales ou populaires; les religiosités universalistes, elles, reposent sur une anthropologie strictement individualiste. Dans sa conclusion, Mensching écrit : « La vie, et non pas les dieux, est ce qui est relève réellement du divin dans le domaine de la religiosité germanique... Au-dessus de nous, il y a immanquablement le Dieu éternel, le waltand got, l’incompréhensible, celui qui nous envoie notre destin, qui nous prodigue notre salut, la force originelle de toute religion et de toute force ».
► Frithjof Hallmann (recension parue dans Mensch und Mass n°2/1998).
pièces-jointes :
Le culte solaire
Le soleil a été vénéré comme une déité par toutes sortes de peuples. Cependant, il est clair que ce n’était pas seulement comme une puissance bénéfique, mais aussi comme une puissance redoutée et destructrice, que ce corps céleste était adoré dans les pays chauds. Ainsi dans l’ancienne Égypte le dieu soleil Râ (ou Amon-Râ) était représenté par un homme portant un disque solaire sur sa tête, qui était surmontée par le serpent Uræus. Le reptile symbolisant l’effet foudroyant du soleil a souvent été utilisé au Proche-Orient. Très différente était la situation en Europe Centrale et du Nord, où une quantité suffisante de rayonnement solaire était essentielle pour le mûrissement des moissons. Ici le soleil fut adoré comme une puissance bénéfique dès que l’agriculture devint la ressource principale pendant la période néolithique (+/ – 4000 – 2000 avant J.C.).
En conséquence ce furent les anciens Indo-européens, originellement établis dans le bassin du Danube, qui répandirent son culte dans toute l’Europe et même dans d’autres parties du monde. On comprend à quel point la croyance dans le pouvoir créateur du soleil était enracinée dans les esprits de ces premiers Nordiques quand on regarde les ruines des plus grands monuments mégalithiques d’Europe du Nord, le sanctuaire solaire de Stonehenge.
Bien sûr il est inutile ici de décrire en détail ce gigantesque monument dont les vestiges dominent, depuis les temps préhistoriques, la plaine de Salisbury en Angleterre du Sud. Le visiteur se demande comment il fut possible de transporter et d’ériger les énormes blocs de pierre dont la plupart avaient été taillés, comme les recherches modernes l’ont prouvé, dans les rochers de la chaîne de Prescelly en Galles du Sud, à une distance de 274 km par la route terrestre qui fut suivie selon toute probabilité. Quel était le peuple qui érigea cet imposant monument et quelle était son utilité ?
L’investigation scientifique sur ses ruines, qui a été menée à bien à l’époque moderne, a permis de répondre aux deux questions. Le sanctuaire était indubitablement dédié au culte du Soleil comme cela est prouvé par le fait que la ligne partant du milieu de la dénommée « pierre de l’autel », située en son centre, pour aller jusqu’à la « pierre du talon » à l’entrée, est dirigée vers le point au Nord-Est où le soleil se levait le jour du solstice d’été.
D’après les archéologues il y eut trois périodes de construction, dont la première est datée d’environ 1840 av. J.C. au moyen d’un test au radiocarbone. Récemment un certain nombre de dessins de poignards mycéniens et de haches à ailettes a été détecté sur certaines des pierres, et on suppose que l’achèvement final du sanctuaire, vers 1700 av. J.C., a eu lieu sous la direction d’un architecte venu de la cité grecque de Mycènes.
Cependant, sa construction est attribuée au dénommé peuple des gobelets dont les tombes, connues sous le nom de « round barrows » [tumulus circulaires] abondent dans le voisinage du monument.
Ce peuple dont l’habitat originel se trouvait en Espagne Centrale se répandit en Europe au début du second millénaire avant JC, diffusant en même temps la connaissance des premiers métaux : le cuivre et le bronze. Ils atteignirent la Grande-Bretagne en deux vagues successives, la première venant des Pays-Bas, la seconde des parties occidentales de l’Allemagne (vers 1700 av. J.C.).
Dans les deux pays ils s’étaient mélangés avec des éléments d’un autre peuple, les peuples à la hache de combat indo-européens, dont la patrie d’origine se trouvait en Saxe et en Thuringe. L’amalgame des deux peuples permet de comprendre pourquoi les squelettes découverts dans les « round barrows » appartiennent en partie au type falique, en partie au type nordique, et pourquoi on y découvrit des poignards de cuivre aussi bien que des haches de pierre.
Le fait que ce fut l’élément nordique du peuple des gobelets qui introduisit le culte du soleil en Grande-Bretagne est admis dans les termes suivants par un archéologue anglais de premier plan : « Ainsi ce fut le fort élément indo-européen infusé dans notre culture des gobelets par les guerriers à la hache de combat qui donna à sa religion cette tendance céleste. Nous assistons au triomphe d’un ‘Zeus’ [= dieu céleste] plus barbare sur l’ancienne Terre Mère chère à la paysannerie néolithique, la déesse qu’ils avaient apportée avec eux depuis les centres de son pouvoir fertile en Méditerranée et au Proche-Orient ».
Pour comprendre que ce remplacement d’une religion par une autre fut la conséquence, non d’une évolution graduelle, mais d’une invasion, nous devons jeter un coup d’œil sur la Scandinavie de l’Age de Bronze. Là, sur les gravures sur roche de Bohuslän en Suède du Sud, on peut voir des navires portant un disque solaire et occupés par des hommes qui brandissent des haches de combat ; des chevaux ailés, des cercles concentriques, ses spirales, des roues à croix et d’autres symboles du soleil peuvent aussi être vus.
Les chevaux sont destinés à tirer le char du soleil dans le ciel pendant la journée, ce qui nous rappelle l’ancien mythe de Phaéton ; un bateau était supposé transporter le soleil à travers le monde souterrain vers l’Orient pendant la nuit. Une version légèrement différente de la même idée est bien connue d’après les légendes nordiques.
Les rasoirs de bronze, décorés d’une roue solaire ou d’une tête de cheval, appartiennent à la même culture nordique. D’une phase ultérieure de l’Age de Bronze date le fameux char solaire de Trundholm, un magnifique témoignage du goût artistique et de l’habileté professionnelle des anciens Nordiques.
Chez tous les peuples indo-européens, nous trouvons à l’aube de l’histoire le culte de dieux célestes : Dyaus Pitar chez les Indo-aryens, Ahura mazda chez les Perses, Papios chez les Scythes, Zeus chez les Grecs et Dajbog chez les Slaves. Cependant, l’Apollo Phoibos grec (c’est-à-dire l’Apollon « rayonnant »), le Sol Invictus romain (le soleil invaincu) et le Mithra(s) perse et mitannien restèrent d’authentiques dieux solaires. Le caractère anthropomorphique que ces dieux assumèrent avec le temps est un développement ultérieur qui peut être considéré comme une dégénérescence.
On comprend à quel point le culte solaire s’était répandu pendant l’Age de Bronze quand on regarde trois pays qui se trouvent bien plus loin : le Pérou, l’Égypte et la Palestine. Dans l’empire des Incas, le soleil était adoré sous la forme d’un disque doré, entouré par des rayons. Son principal festival était celui du solstice d’hiver, le 21 juin.
Les Incas (qui étaient une classe dirigeante aristocratique au-dessus des Indiens américains mongoloïdes) sont décrits par un auteur espagnol comme ayant le teint clair avec des cheveux aussi blonds que du blé mûr. De l’un de leurs prédécesseurs, l’Inca Viracocha, qui était décrit comme un homme blond et barbu au teint clair, les premiers Espagnols entendirent dire qu’il avait conquis le pays en venant du Nord, et qu’il s’enfuit plus tard par mer après avoir subi une défaite écrasante. D’après Thor Heyerdahl, il atteignit la Polynésie où d’anciennes légendes parlent de lui sous le nom de Kon-Tiki. Tous ces faits et beaucoup d’autres rendent possible que le culte solaire ait été importé au Pérou par des immigrants venus d’Europe.
Nous savons aujourd’hui non seulement que les Vikings atteignirent l’Amérique avant Colomb, mais aussi que de nombreuses années plus tôt des gens venant d’Afrique du Nord (gouvernée et occupée par une classe dirigeante nordique) pouvaient traverser l’océan dans des vaisseaux primitifs mais tenant la mer.
Concernant l’Égypte, il est bien connu que le pharaon Aménophis IV (1375-1358 av. J.C.) tenta d’introduire une religion monothéiste en déclarant le dieu soleil Aton comme seul dieu, pendant qu’il se renommait lui-même Akhenaton (c’est-à-dire « gloire du disque solaire »). Les historiens omettent généralement le fait que ce pharaon était en toute probabilité, tout comme son père Aménophis III, le fils d’une princesse mitannienne puisque sur les portraits il a une apparence de Nordique.
Les Mitanniens étaient un peuple aryen qui avait fondé un puissant empire en Syrie du Nord. Dans ce cas aussi le lien entre culture et race est apparent. Une autre réforme religieuse, mais dans un sens opposé, fut menée en 622 av. J.C. dans le royaume de Juda par le roi Josias. Entre autres cultes, le culte solaire fut supprimé par lui d’une manière barbare et sanglante. C’est très remarquable quand nous lisons dans le Livre des Rois, II, 23 :11 : « Et il emmena les chevaux que les rois de Juda avaient donnés au soleil … et brûla le char du soleil avec du feu ». Ce texte ne nous rappelle-t-il pas le char solaire de Trundholm ?
Le culte solaire appartient au monde disparu de l’Age du Bronze nordique, la culture qui fut détruite par les catastrophes naturelles vers 1220 av. J.C. Avec les religions indo-européennes des temps ultérieurs, il avait en commun son caractère de culte de la nature. Aux éléments de l’ancien culte qui se fondirent dans la christianisation chez les Teutons appartiennent les fêtes des solstices d’été et d’hiver, mais aussi un certain nombre de symboles comme la roue solaire et le svastika. Il se peut aussi que la coutume chrétienne de prier avec les yeux clos soit aussi un vestige de la religion de nos ancêtres, puisqu’il est impossible de regarder le soleil avec les yeux pleinement ouverts.► Dr. Frans J. Los, in : The Northlaender. [source}
Le solstice des veilleurs
Pour celles et ceux appartenant à la nation spirituelle qu'érige dans l'invisible la fidélité aux vérités ancestrales, chaque solstice apparaît comme un moment privilégié : la célébration de notre identité selon sa composante la plus essentielle.
Les motifs culturels de se retrouver à cette fête, au seuil de l'hiver et de l'été, ne manquent pas et la référence aux Indo-européens est, certes, la première de toutes. Mais cela répond aussi à un appel intérieur, à une aimantation de l'âme en quelque sorte et dont nous pourrions dire, par delà ces outillages que sont raison critique et sens de la cohérence, qu’elle serait motrice du combat que nous menons, c’est-à-dire en un sens originel in-vocation. Car se sentir lié à une communauté de destin transcende la seule appartenance ethnique ou territoriale, cela prend racine dans un passé immémorial d’où nous pouvons puiser, au plus profond de nous, des forces formatrices. Forces dont certains mythes déploient les représentations symboliques.
Une scansion vitale
Les fêtes solsticiales, par-delà leur aspect de ritualisation des temps de la vie, se rattachent à une religiosité solaire et “ouranienne” (1). Leur origine remonte aux âges les plus anciens ; même la grotte de Lascaux, selon les dernières conclusions des préhistoriens, ne serait rien moins qu'un temple solaire réservé au solstice d'été (2). Comme il y a des dizaines de milliers d'années, hommes, femmes et enfants d'Europe se retrouvent de nuit, disposés en cercle autour du feu pour, d'une part, être symboliquement en adéquation avec l'ordre circulaire du zodiaque (l'arthurienne Table Ronde transparaît en cet instant) et, d'autre part, pour que se constitue un emblème venu de temps immémoriaux : le cercle centré qui, en astronomie comme en astrologie, figure le soleil. La circularité des symboles célestes, image mobile de l’éternité, renvoie par analogie, en cet instant crucial, au cercle des camarades fondé sur l'affirmation d'une reconnaissance communautaire : à travers l’honneur rendu au soleil au cours de cette fête commémorative, le cercle affirme la permanence et la vitalité de ses propres valeurs ; la mémoire du sang émerge en ces 2 moments de l'année où l'astre diurne reconduit à la source du sacré.
Contemplons, au centre du cercle, l'assemblage de bûches évoquant une tour carrée dont chacun des côtés correspond à l'un des points cardinaux. Là encore intervient la notion d'organisation de l'espace. Car c'est d'abord cela un solstice, la nécessaire mise en ordre du monde sans laquelle, au regard de nos ancêtres, aucune civilisation ne se révélait véritablement viable. Notion d'autant plus indispensable que le milieu ambiant des mégapoles interlopes a pouvoir de corroder la capacité — évidente pour les peuples de jadis — de déployer dans tout espace de vie un ordre agençant certaines formes précises et signifiantes (ce qu'exprime la science des symboles). Aux yeux de l’Indo-européen, l'ordre est synonyme de clarté. Par le brasier central annonçant la renaissance aurorale du soleil, l'éclairement nocturne du solstice devient métaphorique de la révélation de cette notion d'ordre. Les camarades rassemblés dans une clairière ou en plein champ pour cette fête, s'arrachant à la médiocrité d’un univers de béton éclairé au néon et qui plus est surpollué de tags (petits frères du rap à la mode), d’eux on peut dire qu’ils accomplissent déjà un acte révolutionnaire car, au sens étymologique de ce terme, c'est précisément d'un vivifiant retour à l'origine qu'il s'agit. Mais que peut bien signifier cette mémoire la plus longue ? Marcel de Corte nous en esquisse une réponse : « le vrai paganisme, au sens originel du terme, n’est pas une position polémique contre la croyance, il est la relation intime de l’être humain au sol et à son mystère » (Des choses à dire).
Former la roue solaire
Rappelons à présent plusieurs notions indispensables quant à la compréhension du solstice. Par le bûcher, “l'éclairement” — autrement dit la Connaissance — vient du centre et, précisément, constitue le centre. Or, selon nos ancêtres, le centre représentait l'immuable et le commencement, autrement dit le fondement du monde et de l’être. Se retrouver en cercle autour du feu c'est, chaque fois, tenter d'approcher ce fondement. Complétant la notion de centralité, le mat sortant du bûcher et portant à son sommet la couronne (ronde comme le ciel et l'assemblée des camarades) est l'image de l'axe du monde joignant l'humain (si précaire) au divin (l'impérissable) dont un reflet, disaient les Anciens, est en chacun de nous (un précepte dorien énonce poétiquement « l'homme est un dieu mortel et le dieu un homme immortel », ce qui n’est pas sans nous évoquer ce vers de Lamartine : « Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, l'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux » ou encore cet autre de Sophocle : « Il est bien des merveilles en ce monde, il n'en est pas de plus grande que l'homme »).
Puis, venant de chaque direction cardinale de l'espace, les 4 porteurs de torche s'avancent à tour de rôle. Leur marche vers le centre pour embraser le bûcher trace, complémentairement au cercle des personnes présentes, la roue solaire. De la sorte, l'un de nos plus anciens symboles prend forme en ces moments où, par le silence et le recueillement, semble grandir en nous le sentiment d'une véritable communion avec la religiosité première de nos peuples. À tour de rôle, les porteurs de torche, comme on le sait, prononcent des paroles évoquant l'un des horizons européens qu'ils incarnent et que marque une figure historique ou légendaire : le Sud, qu'il soit grec, italique ou ibère, résonne, entre autres, des noms d'Alexandre ou de Romulus, d'Héraklès ou d'Énée. Puis Arminius ou Leif Erikson, Siegfried ou Wolund sortent des brumes du Nord, tandis que Noir Voïvode (3) ou Ilia de Mourom (4) seront cités à l'Est et qu'Alfonso Henriques (5) ou Eamon de Valera, Finn (6) ou Arthur le seront à l'ouest. Ainsi, le passé, qu'il appartienne aux annales ou aux mythes, est en quelque sorte polarisé par la signification même du solstice. Car, en pareils moments de flammèches et d'étoiles, tout ce qui fut vécu ou rêvé se définit comme autant de reflets, à travers les millénaires, d'une puissance primordiale. Symbolisée par le cercle au centre embrasé, elle prit corps à l'origine en cette entité ethnique dénommée « race boréale » par Fabre d'Olivet.
Le “guerrier sans sommeil”
Une fois les 4 torches portées au bûcher, la veillée commence. Une veillée pour la plus courte nuit, avant l'aube d'été ou la plus longue préparant au premier jour d'hiver. Arrêtons-nous un instant sur ce terme de “veillée” afin d’en saisir toute l'importance. En effet, puisque les “marchands de sable” du désert télévisuel ont pouvoir d'endormir nos concitoyens, de les bercer d'illusions et de les plonger dans des songes retouchés sur photoshop du meilleur des mondes humanistico-mondialiste, il est urgent de veiller. D'abord veiller à être nous-mêmes, fils et filles d'Europe, fermement déterminés à ne pas se laisser digérer par le système (et pour cela nous construire sur un plan militant). La veillée solsticiale sera pour certains l'occasion d'un sursaut ou “réveil” de la conscience identitaire avec la promesse au cœur de demeurer sans cesse en alerte, “en éveil”, chaque jour que falsifient les endormeurs professionnels. Un penseur du XIXe siècle parlait déjà des Français comme de “la grande armée des endormis”.
Loin du grégarisme autosatisfait, c'est le moment ici de saluer celui dont on célébrait la naissance au solstice d'hiver et qu'on désignait en Perse et dans les légions romaines comme le “guerrier sans sommeil” : Mithra, surnommé aussi Sol invictus (7). Il faudra bien, un jour, évoquer la figure de ce dieu d'origine aryo-mazdéenne personnifiant la fidélité et, comme tel, comparable à l'Ase Tyr dans le panthéon viking. Rappelons pour l'instant que tout solstice est précisément, ainsi que nous l'énoncions plus haut, l'expression d'une fidélité à une appartenance outrepassant toutes les fatalités de l'Histoire et autres forces de mort de notre culture.
Avec la veillée, musiques et chants, poèmes et pages d'auteurs divers vont se succéder. À la clarté du foyer — du centre illuminant — compositeurs et poètes, écrivains et philosophes sortent du rangement trop réducteur d'un dictionnaire, car on les perçoit comme des moments de l'âme européenne et, prenant place dans la roue solaire tracée par le rituel du feu, ils se font révélateurs de ce que devrait être la culture : l'expression toujours plus intense, entrelacant grandeur et beauté, d'un élan vital vers la supra-humanité à l'aurore du monde, ce que Evola nomme la « dimension vers le haut ». À cet instant l'image d'Apollon éclaire notre mémoire.
La porte de l’Hyperborée
Il faut en effet savoir que, pour la Grèce dorienne, l'Olympien personnifiant la lumineuse perfection s'envolait à chaque solstice d'hiver en direction du Nord. Ainsi rejoignait-il une contrée que l'on supposait demeurée en âge d'or. Nous avons déjà rappelé dans cette revue que le mythique peuple des Hyperboréens constituait une évocation, également présente dans le légendaire d’autres peuples indo-européens (Aryas de l’Inde, Perses et Sassanides, Irlandais, Germains ou encore Daces), du caractère supra-humain des origines. Des cygnes emportaient Apollon vers le Septentrion. L'oiseau synonyme de blancheur blasonne donc ces heures solsticiales. Levons les yeux et repérons la constellation du cygne. Lors des nuits véritables, autrement dit en pleine campagne, loin de la lueur spectrale des villes, lorsqu’on la voit se détacher sur la multitude astrale, on songe à l’Irminsul ; et son étoile majeure, d’un éclat d’aigue-marine se fait allusive aux rivages de l’ultima Thulé.
Jadis, lors des festivités de Noël, ce n’était pas la dinde yankee mais l’oie qui rassemblait famille et amis. Dans le folklore et les “contes à la veillée” — encore la veille comme mode de l'attention à des choses merveilleuses — l'oie est souvent présente. Ne désigne-t-on pas d’ailleurs ces contes comme ceux de ma Mère l'oie ? Et l'innocent jeu de l'oie ne serait-il pas, pour petits et grands, le rappel voilé que l’existence est un parcours initiatique ? Moins aristocratique et altière que le cygne, l'oie, de par son allure bonasse, appartient au monde paysan. En fait comprenons que l’apollinien oiseau s'est occulté sous une apparence rassurante mais le symbole demeure le même : les oies sauvages vers le Nord, chant indissociable des solstices tiré du poème de Walter Flex, en restitue l’âme, le voyage n’ayant jamais été que métaphore de ce “grand voyage” qu’est la vie même, éclair entre la vie et la mort où le lointain intérieur fait signe. Partager l'oie n'est-ce pas communier avec notre patrie première ? Terre en apparence perdue, à laquelle fait échos le nom de Groenland, mais revivant en nos cœurs dès l'instant où est perçue cette porte hivernale comme s'ouvrant aussi sur de thuléennes certitudes alliant cristal et acier, regard d'aigle et sang solaire. Les rupins, valets ou courtisans des pourrisseurs planétaires, se contenteront du foie gras et, repus, rêverons béatement de déluges de dollars et d'un Wall Street au comble de l'euphorie. Mais laissons-là les esclaves du ventre de ce que Platon nomme le « gros animal » social.
Second symbole à ne pas oublier en raison de sa place d'honneur lors du Jul, le sanglier. Il était transmis originairement que les constellations des Grande et Petite Ourses auraient été une laie accompagnée de son marcassin. Ce qui ferait du sanglier un autre emblème du Nord. Là encore, consommer sa chair — vieux rite culinaire unissant Celtes et Germains — pourrait signifier que l'on intègre à soi l'image d'un territoire synonyme de prodigieuse origine. Dans Symboles fondamentaux de la Science sacrée, Guénon montre bien par ex. que le thème celte de la lutte de l’ours contre le sanglier figure le rapport entre autorité spirituelle «primordiale» et pouvoir temporel. En sanscrit, le nom du continent primordial correspondait à Shwêta-varâha (Sanglier Blanc). Si le cygne et l’oie conduisaient au domaine boréal, le sanglier, lui, se confond avec ce continent perdu. Le plumage de givre s’est mué en soies liliales et, des brahmanes aux druides, cette couleur désigne le pouvoir sacerdotal. Une blancheur évocatrice de citadelle glaciaire ou de sanctuaire marmoréen mais surtout privilège d’un épiderme quasi lumineux, tel celui d’Europe, si ravissante que Zeus sous la forme d’un puissant taureau l’enleva au loin, rapt de l’âme minoenne fondatrice de la civilisation palatiale.
Accompagnant ces viandes vouées à l'évocation d'une ère inconnue de l'Histoire officielle, l'hydromel est la boisson digne, par son vermeil chargé de feu, de célébrer la croissance du soleil. Celtes et Vikings le burent en connaissance de cause : ce breuvage doré apportait dans leurs veines la lumière des dieux. La corne à boire s'imposait comme le calice de la liturgie païenne et, versé au cœur de la nuit, l'or de l'hydromel, en synergie avec le brasier central, se fit — et doit se faire — métaphore d'éclairement intérieur.
Les braises du solstice
Mais, à propos de boisson et compte tenu de la solennité du moment, rappelons fermement que si le solstice est une fête — la plus sacrée de toutes nos fêtes — ce n'est en aucun cas l'occasion de se “cuiter”, comme on dit vulgairement (même chez nous). On ne se rend pas à ce lieu de renaissance lumineuse dans la même disposition d’esprit que ceux prétendant “s'éclater en boîte”. Faire la ronde n’est pas finir rond. Du reste, il est salubre de notifier à certains branquignols se réclamant de notre idéal qu'ils se trompent d’endroit si se joindre à tous rime avec “griller des clopes” ou “draguer la minette”. Ne peuvent être tolérés ceux profanant cet espace-temps comme certains abrutis (par la bière) qui balancent leur dernière canette dans le feu avec un tel air d'infatuation qu'ils incarnent la plus insupportable caricature de ce que nous nous devons d’être. Se vouloir un militant européen implique une discipline personnelle sauvegardant en son for intérieur le sens du sacré. Il est de la dignité de chacun de veiller sur lui-même — toujours la veille — afin de présenter non une apparence de correction mais le comportement le plus proche de ce qu'une (future) civilisation attend de ses cadres et responsables. Car le rituel de solstice, qui tant nous enseigne, propose la (re)création d'une forme et, de la sorte, nous fait endosser une tenue spirituelle. Tenue qui est aussi celle des volontaires d'une légion placée sous l'invocation de Mithra, de Tyr ou du dieu celte Dagda surnommé Ruad Rofessa (Rouge par science parfaite ; “rouge” connote ici l'aurore). Ils sont nos capitaines et maîtres d'armes dans le combat intérieur car, rappelons-le inlassablement, notre pire ennemi nous fait face dans le miroir. Si, au sortir de ce combat sans merci, survient la victoire, alors Apollon, trop éblouissant pour l'humain confiné dans ses limites, se présente comme le plus haut degré d'existence à laquelle nous puissions prétendre.
Portes de l'année, les 2 solstices doivent être perçus comme des haltes dans la marche des jours. Ils sont notre double Grand Soir de révolution silencieuse et secrète. Le temps semble s'immobiliser et libérer quelques heures pour qu'un ordre, issu des âges les plus lointains, prenne forme de roue solaire en rassemblant des veilleurs autour d'une flamme. C'est aussi le moment le plus approprié, nous le disions, pour “faire le point” — nécessairement igné puisque pareil au brasier — et se remémorer, en tant que militant lucide, tout ce qu'implique notre engagement européen. Le moment donc, dans l’intime de cette communion, de pratiquer une reprise des exigences envers soi-même (avant de juger les autres [8]), plus déterminés et plus engagés dans un style existentiel que focalise la signification du solstice.
À la pointe de l'aube, alors que se retirent les astres et que perdurent dans la cendre quelques reflets de Mars et de Sirius, d'Antares, œil du Scorpion, et de Bételgeuse, clavicule d'Orion, il faut se séparer. Retrouvailles joyeusement obligatoires devant la prochaine porte d'hiver ou d'été. De retour dans les labyrinthes intestinaux des villes cosmopolites, nous côtoyons tous ces morts qui marchent, regard vide, un portable rivé â l'oreille. On se supposait citoyens d'une république et l'on se découvre survivants d'un sinistre. Ce privilège ne nous confère d'autre droit que celui de servir une cause redoutablement exigeante et, comme telle, nécessitant une fortitude pareille à une armure d'airain. Dans nos esprits, ne laissons pas s'éteindre les braises du solstice, elles sont le gage de notre fraternité solaire.
► Victor Vallière, Réfléchir et Agir n°16, 2003. [article légèrement retouché]
♦ Notes :
- Ouranienne : de Ouranos, personnification du ciel dans la mythologie grecque. Il sera Uranus chez les Romains et à la fin du XVIIIe siècle, donnera son nom à la 7ème planète du système solaire.
- Cf. l'étude sur la paléoastronomie de C. Jègues-Wolkiewiez dans Science & Vie : Le livre 2001, éd. Tana, p. 168 et suivantes.
- Noir Vovoïde : personnage mystérieux du légendaire valaque. Il incarne le maître secret détenteur de la Tradition primordiale. Cf. Geticus, La Dacie hyperboréenne, Pardès, 1987, p. 79. Publié originellement dans les Études traditionnelles, cette étude se fonde tout d'abord sur des textes grecs et latins qui désignent explicitement la Dacie (actuelle Roumanie), comme étant l'Hyperborée. Selon l'auteur, la Dacie fut une étape de la "descente cyclique" des Hyperboréens. Il puise les éléments de sa démonstration principalement dans le folklore roumain qui s'avère être d'une très grande richesse symbolique.
- Ilia de Mourom : héros de la tradition populaire russe. Il est un Bogatyr, sorte de chevalier lancé dans des aventures initiatiques.
- Prince portugais (cf. dans le précédent numéro de R&A la rubrique Patrimoine) qui, vers le milieu du XIIe siècle, a écrasé l'occupant maure et donné à son pays des frontières précises et un étendard comportant une signification ésotérique très élaborée.
- Finn : héros d'une saga irlandaise qui mange le saumon de la connaissance. Son nom veut dire “le Blanc”, “le Lumineux” et il incarne celui en qui sont unies la sagesse et le courage.
- À l'intention de nos camarades chrétiens, rappelons que culte formule fut appliquée au Christ dont on célébra la naissance au solstice d'hiver à partir du IVe siècle.
- Ces quelques mots à usage des sentencieux donneurs de leçon qui, bons bourgeois dans le civil, entendent exiger d'autrui ce qu'ils n'entreprendront jamais par eux-mêmes. Sans parler de ces esthètes posant — Narcisse version intello en peignoir shantoung — sous un portrait de Mishima ou commentant Der Arbeiter alors qu'ils fuient pelle et pioche depuis leur naissance.
Symboles solaires et conception du monde
Partis d’Europe du nord, les peuples indo-européens qui sont à l’origine de notre civilisation portaient en eux une conception du monde spécifique qui se retrouve dans chacune des composantes de la civilisation européenne antique : de l’Empire celte à la Grèce, du Latium à la Perse, de la Germanie à la terre des Aryens. Cette conception du monde s’exprime à travers des symboles. Beaucoup ont une signification solaire.
Pour les Indo-Européens, le soleil est la source de la lumière, de la chaleur et de la vie. Les textes aryens font du soleil l’origine de tout ce qui existe, le principe et la fin de toute manifestation : il est appelé “le nourrisseur” (Savitri). L’alternance vie-mort-renaissance est symbolisée par le cycle solaire : journalier (très fréquemment évoqué dans les textes védiques) et annuel. Le soleil est un aspect de l’Arbre du monde — de l’Arbre de vie qui s’identifie lui-même au rayon solaire (les rayons solaires faisant la liaison entre ces 2 aspects d’une même réalité que sont la terre et le ciel).
Le soleil est lumière de connaissance et foyer d’énergie.
Le nom d’Héliopolis (ou cité du soleil) est donné, dans les récits mythiques, aux centres de tradition spirituelle. C’est le siège du législateur des Aryens, Manu.
Issu du monde hyperboréen, Apollon est pour les Grecs le dieu solaire par excellence, le dieu initiateur dont la flèche ressemble un rayon de soleil, en harmonie avec la blondeur de sa chevelure, la lyre dorée au son de laquelle il charme l’Olympe et l’or de son char qui parcourt le ciel tiré par 3 chevaux blancs.
Principe actif, alors que la lune, qui reflète sa lumière, est principe passif, le soleil devient chez les Celtes le dieu Lug (le lumineux). Il faut d’ailleurs remarquer que la racine désignant le mot « dieu » est pratiquement la même chez tous les Indo-Européens : les Italo-Celtiques (deus), les Hellènes (théos), les Aryens (deiwos), le terme ayant toujours un double sens ; originel d’être solaire et lumineux. La même racine se retrouve particulièrement dans les noms de dieux personnifiant le ciel-père : latin Jupiter (dius-pater), grec Zeus-pater, védique dyauh-Pitâ.
Dans les textes irlandais et gallois, où il est utilisé pour des comparaisons ou des métaphores, le soleil sert à caractériser, non seulement le brillant ou le lumineux, mais tout ce qui est beau, aimable, splendide.
Les textes gallois désignent souvent le soleil par la métaphore « œil du jour » et le nom de l’œil en irlandais (sul) qui est l’équivalent du nom brittonique du soleil, souligne le symbolisme solaire de l’œil. Les Védas parlent aussi du soleil : comme « l’œil du monde » ou « le cœur du monde ». Comme tel, il est parfois figuré au centre de la roue du Zodiaque.
La roue est symbole du soleil rayonnant. Se rapportant au monde du devenir, de la création continue, elle symbolise les cycles, les recommencements, les renouvellements. Dans les traditions européennes, la roue est fréquemment utilisée pour célébrer les grandes fêtes solaires : roues embrasées dévalant des hauteurs au solstice d’été, processions lumineuses se déroulant sur les montagnes au solstice d’hiver, roues portées sur les chars des cortèges de fête, roues sculptées sur les portes des maisons familiales.
Dans les textes védiques la roue a une signification cosmique : sa rotation permanente symbolise le renouvellement ; d’elle naissent l’espace et toutes les divisions du temps. Comme le montre iconographie, la roue a souvent 12 rayons, nombre du cycle solaire ; lorsqu’elle a 4 rayons, elle représente l’expansion selon les 4 directions de l’espace, mais aussi le rythme quaternaire des saisons. « Un coursier unique au septuple nom meut la roue au triple moyeu, la roue immortelle que rien n’arrête sur laquelle reposent tous les êtres » disent les Védas.
À l’autre extrémité du monde indo-européen, chez les Celtes, la roue est partout présente. Elle est plus souvent figurée, dans les sculptures gallo-romaines, en compagnie du Jupiter celtique, communément appelé dieu à la roue ou Taranis, ou encore du cavalier au géant anguipède. Les témoignages en sont innombrables et attestent une extension au niveau populaire : terres cuites, bronzes. La roue est aussi et surtout une représentation du monde : « Si l’on se reporte à la comparaison irlandaise de la roue cosmique du druide mythique Mag Ruith (“serviteur de la roue”, dont la roue est en bois d’if), le dieu à la roue celtique est le moteur immobile, au centre du mouvement, dont il est l’axe. »
[Ci-dessous : détail du chaudron de Gundestrup : Taranis avec la roue, symbole de l'univers céleste. Découvert au Jutland (Danemark) dans une tourbière en 1891, daté du Ier siècle av. n.è. (second Âge de fer, dit encore Tène), ce chaudron est une des représentations les plus anciennes de dieux gaulois. Composé de 13 plaques d'argent martelé (8 externes et 5 internes), il mesure 42 cm de haut pour 69 cm de diamètre. Actuellement conservé au musée national de Copenhague, on en trouve une reproduction par galvanoplastie, réalisée en 1884, au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye. Originaire probablement du Moyen Danube, témoignant de l'artisanat et du légendaire celtiques, il pourrait représenter à titre symbolique le chaudron magique redonnant vie aux guerriers morts au combat]
Une plaque du chaudron de Gundestrup représente un homme tournant la roue cosmique, tandis que le dieu [Taranis] est représenté en buste, les bras levés. La roue est aussi symbole du changement et du retour des formes de l’existence. Une épée de Hallstatt représente 2 jeunes gens (analogues des Dioscures ?) faisant tourner la roue et qui doivent symboliser la succession du jour et de la nuit.
Une déesse galloise citée dans le Mabinogui de Math, fils de Mathonwy, a pour nom Arianrhod, “roue d’argent”. L’un de ses fils, Llew, porte un nom qui correspond à celui de l’Irlandais Lug. Parmi les jeux guerriers de Cuchulainn figure celui de la roue : le jeune héros se contorsionne de manière à former de son corps une roue animée d’une grande vitesse. On peut noter que le thème roto (roue) est largement représenté en toponymie gauloise, l’exemple le plus connu étant Rotomagus (Rouen).
Roues solaires, svastikas spirales, triskèles représentent depuis la plus haute Antiquité la force créatrice, l’énergie vitale du soleil. Le christianisme a repris à son compte, en le détournant à son profit, ce symbolisme : le chrisme monogramme du Christ, de même que les rosaces des cathédrales gothiques, le nimbe entourant la tête des saints ou la croix elle même, surtout sous sa forme grecque sont autant d’images solaires. Le soleil est le symbole du principe générateur masculin et du principe d’autorité, dont le père reste pour l’individu la première incarnation.
Représenté par l’image solaire, le rôle du dressage de l’éducation, de la conscience, de la discipline, de la morale est ressenti avec force dans les sociétés patriarcales des peuples indo-européens. Le soleil traduit l’exigence du dépassement de soi, l’aspiration à la noblesse, l’individualisation par rapport à la grisaille de la masse. Il est la marque du héros et du souverain.
On comprend pourquoi les Indo-Européens, attentifs à la course du soleil dans le ciel, célébraient avec ferveur le solstice d’hiver et avec magnificence le solstice d’été. Les solstices demeurent, en effet, 2 moments privilégiés dans le déroulement du cycle annuel. Au fil des mois, la lente et profonde respiration de la nature unit la terre et le ciel dans un même devenir.
Tout au long de l’été et de l’automne, les jours raccourcissent progressivement, le soleil reste présent de moins en moins longtemps pour éclairer les activités des hommes. Il semble qu’il marche vers sa mort. Or, chacun le sait, la disparition du soleil serait la fin de toute vie.
Au solstice d’hiver, dans la nuit la plus longue de l’année, les hommes entament une longue veille où, en entretenant la flamme dans le foyer familial, ils marquent leur confiance en le retour du soleil, leur confiance en la pérennité de la vie. Avec recueillement. Et le soleil ne trompe pas leur espoir : il reprend son élan dans le ciel d’hiver avant de monter jour après jour, toujours plus haut, dans le ciel de printemps. Lorsqu’arrive l’été, le solstice est le triomphe de la lumière et de la chaleur. Les hommes célèbrent la puissance du soleil dans la joie.
Les peuples indo-européens illustraient leur foi dans le soleil et leur vénération du feu — image du soleil que le génie de l’homme était capable de créer — par des mythes exemplaires. Tels celui de Balder chez les Nordiques et celui de Prométhée chez les Grecs.► Extrait de : Solstices, histoire et actualité, Jean Mabire & Pierre Vial, Copernic, 1975, rééd. augmentée : Lore, 2008.
• À lire : « Une Saint Jean pour le XXIe siècle » (AdB, 1979) ; Fêtes païennes des quatre saisons (P. Vial)
Feux du ciel
« Le feu sexualisé est par excellence le trait d'union de tous les symboles. Il unit la matière et l'esprit, le vice et la vertu. Il idéalise les connaissances matérialistes ; il matérialise les connaissances idéalistes » (Bachelard, Psychanalyse du Feu)
Depuis bientôt 10.000 ans, aux alentours du 21 juin, un appel irrépressible nous réunit autour d'un grand feu pour fêter le rouge Soleil solsticial. D’où nous vient cette invincible pulsion, cette puissante nostalgie de brasiers de danses et de chants ? De quelles profondeurs abyssales nous proviennent des désirs déferlant en nous tels les chevaux du char d'Hélios ? Car cette nuit du Solstice, le midsommar de nos frères scandinaves et finlandais demeurés fidèles au Rite, est aussi fête d'Aphrodite et de Freyja, la Femme souveraine. Souvenons-nous du philtre bu par Tristan et Yseult à ce moment de la course solaire.
Pourquoi cette délicieuse ivresse, cette allègre folie, que les Galiléens à la triste mine appelèrent mal de Saint-Jean ? C'est le Solstice, fête — temps mythique, étape de l'éternel retour — où le Soleil atteint son zénith dans le ciel blanc. Sol Invictus est alors au Tropique du Cancer très loin de l'équateur. C'est pour nous le jour le plus long et, dans les régions polaires d’où nos ancêtres surgirent à cheval, les nuits sont blanches comme la robe des Druides, et l'on danse au Soleil de minuit.
Au feu familial, intime et grave de Jul, autour duquel s'alanguissent les enfants perdus dans leurs rêves, succède, après 6 longs mois d'attente, le joyeux brasier de l'été nouveau. À la bière, lourde et couleur de terre, le vin clair et souple. À la bûche gravée de runes, le Midzomer Vuer aux 7 essences.
Fêtons le Soleil ! Fête maudite s'il faut en croire Saint Éloi, qui, il y a bientôt 13 siècles, fulminait contre « ceux qui célèbrent les solstices et se livrent à de danses tournantes ou sautantes, à des caroles ou à des chants diaboliques ». Anathèmes dérisoires qui ont au moins le mérite, involontaire, de nous indiquer un chemin noyé de ronces.
Fêtons le Soleil ! Fête du feu, émanation terrestre d'un autre feu, céleste et implacable, icône autant qu'idole de l'Esprit du Monde. Ce feu, il nous faudra le nourrir tout au long de la veillée. Oblation et adoration des feux du ciel, dont les flammes nous rappellent — memento mori — un autre brasier, celui du grand passage. Je pense aux bûchers funèbres de Bénarès, dont le souvenir doit nous rendre encore plus allègres, encore plus avides de plénitude. Oui, jubilation et gravité coïncident en nos cœurs païens.
Les feux du ciel nous apporteront sagesse, splendeur — à quel moment de l'année sommes-nous plus beaux ? — et lumière. Lux perpetua. Lumière du Nord, surgie des confins polaires, antique souvenir, inscrit dans notre mémoire génétique, des chasseurs de rennes que nous fûmes un jour, aux pieds des glaciers, du Détroit de Béring à la Mer du Nord, de l'Irlande ancestrale aux Iles Sakkhaline. Nous adorions alors Cernunnos, le Dieu Cerf d'avant l'histoire, Dieu magicien, celui des chamanes, dont les tambours résonnent à nouveau cette nuit. Tout le passé revient : les vieilles tribus blanches d'Hokkaido et de Scandinavie.
Je lève ma coupe à notre cher Kenneth White, le Brillant, notre barde calédonien : aux tribus perdues, Ainous, Toungouses, Pictes et Samoyèdes, salut et fraternité. Je bois aussi à Victor Segalen, le voyant foudroyé. Le divers renaîtra !
À la suite du Maître du Nord, nous tournerons ce soir, par 3 fois, autour du bûcher, en un voyage tant matériel que spirituel. Tout en haut des bûches hissées à bout de bras, trône la rouelle de Taranis, réplique exacte du bijou de bronze patiné par les siècles que nous portons à même la peau. Les flambeaux des 4 horizons enflammeront le bois sec et odorant, les libations seront effectuées, selon le Rite. Le feu de l'Astre sera salué, comme nous le faisons depuis des millénaires, les paumes offertes au brasier dévorant. Nous chanterons l'été nouveau ainsi que nos Dieux immortels : Lug et Apollon, Anémis et Sarasvati, Perkunas et Mithra. Nous sauterons main dans la main avec notre Dame, pour nous purifier et nous rendre plus forts face à un monde déliquescent. Cette chevauchée nous rappellera les périples, plus périlleux encore, accomplis par nos chamanes de l’âge du Renne, dans les airs et sous la terre.
Et nous boirons le vin frais de l'été en caressant, du regard puis des lèvres, les épaules de nos compagnes couronnées de fleurs, exquises dans leur robe claire. Car notre plaisir, à nous autres Païens, est pur : l'amour est un sacrement qui se rit des interdits. À l'aube, nous saluerons l'Astre et chasserons la mélancolie naissante. Après le zénith, le déclin. Sainte alternance chantée naguère par Montherlant : « tout ce qui est est soumis à l'alternance ». Alternance de la joie et de la gravité, tout aussi païenne. Alternance du lien intangible entre Sol et Luna : adorer l’un sans l’autre serait absurde et mutilant. Car Sol, selon l’Edda de Snorri, est fille de Mundilfari. Au Nord, le Soleil est féminin, et la Lune masculine. Nos ancêtres celtes adoraient Sul, Grande Déesse du Soleil. Au Sud, c’est l’inverse : masculins, nos chers Hélios et Surya… Alternance, au plus profond de nous-mêmes, du masculin et du féminin, de l’animus et de l’anima. C’est en cela que le Solstice est initiation. Qui en est digne dompte Éros et Thanatos, apprend à chevaucher 2 tigres invincibles comme Saulé, la Déesse Soleil des Lithuaniens.
L’un de nos prédécesseurs, D.H. Lawrence, dans Apocalypse, nous confie : « Nous ne pouvons nous assimiler le Soleil que par une sorte de culte, de même avec la Lune, en décrétant un culte au Soleil, culte qui bat dans notre sang ». Écoutons-le. Suivons ces traces.
► Christopher Gerard, Antaïos n°10, 1996.
Rituels solaires
« Soleil, source de feu, haute merveille ronde,
Soleil, l'âme, l'esprit, l’œil, la beauté du monde » (Ronsard, Églogue)
« Qui porte en lui le Dieu-Soleil est immortel comme le Soleil » (C.G. Jung, Métamorphoses de l'âme et ses symboles)Introduction et historique
La plupart des civilisations anciennes ont pratiqué la prière au Soleil, celui-ci ayant été perçu très tôt — au moins depuis le Néolithique — comme la source de toute vie, comme la manifestation la plus éclatante de la Divinité dans le monde (la hiérophanie [manifestation du divin] selon Mircea Eliade).
Le plus souvent, cet hommage a pris la forme d'un salut à l'astre, particulièrement à son lever et à son coucher. Ce salut pouvait être complété par la récitation d'un hymne, associé ou non à une prière. Enfin, la méditation devant le Soleil représentait la forme la plus élevée du rite. De nos jours, ces rites sont encore pratiqués par les Hindous, Japonais, Indiens des 2 Amériques, et d'une manière générale par les peuples où les religions révélées n'ont pas complètement écrasé les religions traditionnelles.
En Occident, la quasi totalité de nos contemporains ont perdu le contact avec le Soleil spirituel (« Le Soleil ne nous parle plus » comme disait D.H. Lawrence). Le Soleil, commercialisé comme n'importe quel autre produit de consommation, est réduit à son côté matériel : le sacro-saint bronzage estival n'est sans doute que la traduction d'un besoin, inconscient et dégénéré, de rites solaires. Nos ancêtres avaient reconnu l'importance du culte solaire, qui leur permettait à la fois d'exprimer leur spiritualité et de dynamiser leur énergie vitale. C'est pourquoi nous proposons ici un certain nombre de gestes rituels qui peuvent permettre à ceux qui en éprouvent le désir de concrétiser l'adoration de l'Astre et de d'atteindre, par un travail sur soi-même, un meilleur équilibre physique et psychique. Il serait en effet illusoire de dissocier ces 2 aspects.
Les rites proposés sont inspirés, dans une large mesure, de ceux pratiqués par nos ancêtres indo-européens, tels que l'archéologie, les textes, le folklore et l'art populaire nous le montrent. Ils comportent toutefois des innovations en raison du caractère incomplet de notre documentation et du mode de vie moderne. Chacun adaptera ces rites selon sa sensibilité, ses possibilités : l'essentiel étant de rester fidèle à l'esprit plutôt qu'à la lettre. Le mieux est de tester ces gestes seul ou en couple, de les roder avant de les proposer à un groupe plus étendu (par ex. les enfants d'une même famille, après une préparation et des explications adaptées).
Le lieu
Dès les origines, les rites d'adoration du Soleil ont été pratiqués le plus souvent en plein air, au sommet de lieux élevés : montagnes (Perses), collines naturelles ou tumuli. Sous une forme plus élaborée, ils avaient lieu dans des temples à ciel ouvert. Plus tardivement, avec l’avènement des cultes à mystères, certains rituels se célébrèrent en temples fermés, voire en grottes (image du cosmos) ou en temples souterrains (antre mithriaque). Le paradoxe n'est qu'apparent puisque le Soleil spirituel ne se limite nullement au Soleil physique. D'autre part, le culte domestique était célébré à l'intérieur de la demeure. C'est pourquoi le foyer, pour les citadins, restera souvent le seul lieu possible pour ces rites. Dans ce cas, il convient de se ménager un endroit, même symbolique.
Néanmoins, la nature constitue le meilleur temple qui soit. L'idéal est de trouver un endroit tranquille, où l'on sera assuré de n’être pas dérangé, par ex. le parc d'une propriété privée. On évitera autant que faire se peut les traces, hélas trop nombreuses, de la modernité : pylônes, béton, ... Le site possédera de la verdure, des arbres, de l'eau (source, ruisseau, lac, mer). La présence de vestiges païens (menhir, dolmen, ou mieux lieu de culte : sanctuaire préhistorique, gallo-romain,...) ou historiques (château, ruines) donnera au rite un éclat incomparable. Un lieu élevé est parfait pour améliorer une certaine concentration spirituelle. La forêt, qui est aussi un temple en soi, ne permet pas d'observer aisément les levers et couchers solaires. L'idéal est d'avoir sous les yeux une vision globale du macrocosme : terre, eau, air et feu du Soleil.
Les moments
Les 4 grandes fêtes solaires de l'année sont les moments privilégiés des rites solaires : l'équinoxe de printemps (vers le 20 mars), le solstice d'été (vers le 21 juin), l'équinoxe d'automne (vers le 23 septembre) et le solstice d'hiver (vers le 21 décembre). Il est bon de présenter ces 4 fêtes solaires aux gens extérieurs en soulignant bien leur origine préchrétienne. Les cérémonies chrétiennes attirant un nombre de moins en moins grand de personnes — et surtout de jeunes —, le rappel des origines païennes et l'exaltation du concept même de fête (« toute fête est païenne par essence » rappelait Nietzsche) peuvent jouer un rôle prépondérant dans l'adhésion à notre Paganité. La date exacte de ces fêtes varie selon les années et figure dans les calendriers.
Le jour est celui du Soleil : “soldi” (dimanche, sunday, Sonntag, zondag). Une célébration quotidienne est évidemment idéale quoique parfois difficile. 4 moments sont privilégiés : le lever, le coucher, la culmination supérieure (“midi vrai”) et la culmination inférieure (“minuit vrai”). Ces 4 moments correspondent aux 4 positions astronomiques journalières du Soleil, que l'on retrouve dans la symétrie quaternaire de la roue solaire et du svastika. Les impératifs de la vie moderne (production, consommation, crétinisation) ne permettent que difficilement de respecter une telle fréquence. La prière au Soleil se faisait dans de nombreuses cultures 3 fois par jour. Les Hindous saluent Surya au moins 2 fois par jour (agnihotra). Rappelons que, dans l'Islam, 5 prières quotidiennes sont recommandées ! Les heures du lever et du coucher du Soleil dépendent de la date, de la longitude et de la latitude du lieu. La meilleure solution est d'utiliser un modèle de montre indiquant ces heures pour chaque jour de l'année, pour un lieu donné. Sinon, consulter un calendrier ou des éphémérides astronomiques, lesquelles fournissent ces heures pour une ville donnée (souvent Paris). Des abaques astronomiques donnent les corrections pour des lieux de coordonnées différentes. Les heures données par certains quotidiens sont parfois fantaisistes. (...) La direction (azimut) des levers et des couchers est toujours Est / Ouest aux équinoxes, mais le restant de l'année il varie selon la date et la latitude : approximativement Sud-Est / Sud-Ouest au solstice d'hiver, et de directions intermédiaires entre ces différentes dates. L'azimut peut être calculé précisément à partir d'éphémérides astronomiques.
Les préparatifs
On portera des vêtements lâches, clairs de préférence, n'entravant ni la circulation ni une bonne respiration. À la bonne saison, les pieds peuvent être nus sur le sol, ce qui favorise les échanges bio-électriques tonifiants pour l'organisme. La pureté spirituelle étant facilitée par la pureté physique, on procédera à des ablutions préalables (visage et mains) avant le rituel, qui doit être effectué si possible à jeun (en tout cas après un plantureux repas). Avant de commencer, on se débarrassera des soucis quotidiens et triviaux. Pour mieux faire ce “vide” en soi, pour mieux se préparer, il est conseillé d'écouter un bref passage musical pour solenniser l'instant et fixer la concentration. On trouvera en annexe une série de morceaux conseillés, à titre indicatif. L'idéal est de produire soi-même de la musique à l'aide d'un instrument : flûte, etc. Les différentes phases du rituel gagnent à être rythmées par 3 coups frappés au triangle ou au gong.
En intérieur, on se placera vers une fenêtre orientée dans la direction du Soleil, ou à défaut (temps couvert, absence de fenêtre correctement orientée) vers l'Est. On disposera alors sur un autel placé devant soi les objets suivants : un symbole solaire, une coupe d'eau (pouvant servir aux purifications préalables), d'éventuelles offrandes (fleurs, parfums, encens, gâteaux, fruits), une bougie allumée. Il est important d'avoir à travers ces objets les 4 éléments. En extérieur, on fera brûler de l'encens (ambre par ex.), ou des feuilles séchées de laurier.
Les postures
On se placera debout face au Soleil, sans jamais le fixer (risques de brûlures irréversibles de la rétine). On commencera toujours par le salut à l'Astre, puis l'on prendra une posture de prière et l'on terminera par un dernier salut. Les postures de base se retrouvent sur le chaudron de Gundestrup (Copenhague) ; elles sont symbolisées par les runes : pour le salut, les bras levés (rune de vie ou “elhaz”), pour la prière, les bras croisés sur la poitrine, le bout des doigts touchant les épaules (rune “man”). La salutation celtique au Soleil (salud Heol) est plus élaborée. Il s'agit d'un enchaînement de postures, chacune étant tenue durant un cycle respiratoire. Se placer debout face au Soleil, les bras toujours tendus :
- les 2 bras le long du corps, paumes face aux Soleil ;
- les 2 bras à 45° (rune “Tyr”), paumes face au Soleil ;
- les 2 bras à 90° (en croix), paumes face au Soleil ;
- les 2 bras à 120° (rune de vie), paumes face au Soleil ;
- les 2 bras à 180° (paralléles au dessus de la tìte, dans l'axe du corps) ;
- même position que la précédente mais paumes et tête inclinés en arrière vers le ciel ;
- le tronc et les bras inclinés vers le sol (rune “Ur”).
Pour la méditation, la posture assise sur la sol, les jambes ramenées vers le corps, mais non croisées, est préférable. Très proche du “lotus”, cette posture n'est pas d'importation asiatique contrairement à une rumeur répandue. Elle était déjà bien connue des Celtes, qui représentaient ainsi Cernunnos (cf. illustration : détail du chaudron d'argent doré de Gundestrup, Cernunnos tenant un torque et un serpent).
La respiration
Le rôle de la respiration est traditionnellement primordial. Les techniques respiratoires permettent à la fois de purifier le corps par une meilleure oxygénation et de favoriser la concentration, l’accès à des degrés supérieurs de conscience. La respiration en soi doit être de type abdominal, en travaillant uniquement avec le diaphragme et l'abdomen, non pas avec la cage thoracique. Un cycle respiratoire complet comprend 3 phases :
- l'inspiration : le diaphragme descend et l'abdomen se gonfle, durée : un temps) ;
- la rétention (durée : 4 temps) ;
- l'expiration : le diaphragme remonte et l'abdomen se dégonfle, les poumons sont vidés (durée : 2 temps).
Les durées de phases sont données à titre indicatif. À chacun de les adapter à son cas personnel afin d'aboutir à une respiration naturelle, bien contrôlée et favorable à la méditation. On peut débuter la méditation par un chant de voyelles (ou de runes) afin de vider l'esprit des pensées parasites. Chaque voyelle est alors chantée en une expiration et tenue aussi longtemps que possible. On poursuit par une large inspiration avant de passer à la voyelle suivante.
Le Surya Yoga
Le but du Yoga du Soleil (Surya dans la mythologie hindoue) est de réaliser l'héliocentrisme sur tous les plans de l'individu. Il consiste à susciter un Soleil spirituel au centre de l'individu (plexus solaire), tout comme le Soleil physique est au centre de notre système solaire. De même que le Soleil physique éclaire, dispense sa chaleur et entretient la vie, le Soleil spirituel doit illuminer l’Être, lui dispenser l'énergie vitale et entretenir une harmonie tant physique que mentale. Le but ultime est d'arriver à une conscience parfaite de l'identité du macrocosme et du microcosme, à travers le Soleil. La méditation sur un symbole solaire est l'un des moyens permettant de développer la conscience solaire. Il faut pénétrer la structure du symbole, s'en imprégner jusqu'à une intégration totale. Ce genre d'exercice peut se pratiquer en intérieur. En extérieur, on commence par saluer le Soleil en étendant les bras. Puis on peut lire, réciter un hymne, un poème, une citation, ou dire une prière. On prend ensuite la posture bras croisés sur la poitrine. Cette posture est plus relaxante que la précédente et peut donc être gardée plus longtemps ; d'autre part elle favorise la concentration. Une technique classique de méditation solaire consiste à imaginer que l'on absorbe le Soleil par la bouche et qu'on le laisse illuminer intérieurement le corps. On ressent alors l'impression d'intense plénitude, d'enthousiasme (au sens grec du terme : transport divin) de ne plus faire qu'un avec le Soleil. Cette expérience est très ancienne : déjà à l'Âge du Bronze, on trouve des figurations de personnages dont la tête est figurée par 3 cercles concentriques (symboles du Soleil et de l'accomplissement), ce qui indique qu'ils ont réalisé le Soleil en eux.
Annexe : musiques pour les 4 moments solaires
- Lever : Fanfare de Kukas, Zarathoustra de R. Strauss (Ceux des arrière-mondes), Ve Symphonie de Beethoven, Léve-toi rouge Soleil (chant populaire russe), Peer Gynt de Grieg (début).
- Midi : Préludes de Liszt, Marches et chœurs des ruines d’Athènes de Beethoven, Défilé des Auriges (Ben Hur, Rosza), le final du Lac des Cygnes de Tchaïkovski, Fanfares de Mouret, Concerto pour l'Empereur de Beethoven, la finale des Maîtres Chanteurs de Wagner.
- Coucher : Requiem (Verdi, Mozart, etc), L’or du Rhin (final), Aria de Bach.
- Minuit : Marche funéraire de Siegfried, Odes d’Irène Papas et Vangelis, Mishima de Glass, Finlandia de Sibelius, etc.
► Khorsed, Antaïos n°10, 1996.