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Bebel
Le patriotisme d'August Bebel
♦ Werner JUNG, August Bebel. Deutscher Patriot und internationaler Sozialist : Seine Stellung zu Patriotismus und Internationalismus, Centaurus-Verlagsgesellschaft, Pfaffenweiler, 1986, 540 p.
August Bebel, personnage central de la social-démocratie allemande, a, comme beaucoup de ses pairs, évolué du libéralisme au démocratisme socialiste. Incarnant une synthèse de toutes les variantes de l'idée socialiste, Bebel s'interrogera pendant toute sa vie sur la “question nationale”. Au départ, sa vision de l'État national est opposée au particularisme prussien : elle est grande-allemande et républicaine. Bebel s'opposait ainsi à la Petite-Allemagne (sans l'Autriche) réunie sous la couronne prussienne. Dans un tel État, l'intérêt dynastique passait avant l'intérêt national global.
Bebel déplorait amèrement la guerre austro-prussienne de 1866 et critiquait avec véhémence la constitution d'une “Ligue nord-allemande”, qui contribuait à affaiblir l'ensemble germanique. Lors de la guerre franco-allemande de 1870, Bebel s'opposait au conflit au nom de la solidarité ouvrière internationale et se faisait le défenseur zélé de la Commune de Paris. Après la fondation du IIe Reich à Versailles en 1871, ses positions se feront plus “nationales” et il s'efforcera d'élaborer les assises d'un “patriotisme social-démocrate”.
L'appartenance à un même ensemble politique, le fait de parler une même langue, créaient les conditions d'une communauté de destin et les socialistes devaient respecter et admettre cet état de choses, tout en soutenant les politiques commerciales qui contribuaient à éliminer les désavantages de l'Allemagne et à assurer son indépendance complète. Le patriotisme social-démocrate qui découle de cette analyse, diverge fondamentalement du nationalisme bourgeois : à l'intérieur, ce patriotisme vise un bouleversement total du statu quo et l'abolition des clivages de classe ; à l'extérieur, il prône la fraternisation entre tous les peuples au lieu du chauvinisme de l'exclusion.
Est patriotique, selon la définition bebelienne, tout acte politique qui favorise l'émancipation de larges strates de la population et contribue à faire des ouvriers et des défavorisés des citoyens à part entière. Sont anti-patriotiques, en revanche, toutes les formes “bourgeoises” de faire de la politique, lesquelles s'épuisent dans des discours grandiloquents pour, finalement, ne consolider que le statu quo. L'approche bourgeoise de la politique ne permet pas de résoudre les contradictions de l'intérieur, donc affaiblit la nation. Le patriotisme national et l'internationalisme ne sont pas des principes antagonistes, mais des principes complémentaires : les patriotes de tous les pays, tous soucieux du bien-être et de la prospérité de leur peuple, doivent se manifester mutuellement de la solidarité. La conception militaire qui se déduit de ce patriotisme socialiste est une conception de “milice populaire” (Volkswehr), hostile aux “armées permanentes” et dont la mission est purement défensive.
L'idéalisme de Bebel connaîtra un cruel démenti en août 1914, quand les sociaux-démocrates applaudissent à la défense du territoire de la Prusse orientale envahie par les armées du Tsar et déplorent mollement l'invasion de la Belgique et du Nord de la France, régions où le socialisme était bien ancré au sein de la population, par les armées permanentes du Kaiser. Bebel est toutefois resté logique avec lui-même : son patriotisme fut réel, de même que son internationalisme. Le livre de Werner Jung nous renseigne amplement sur les courants divergents de la sociale-démocratie allemande, courant qui, au fond, n'ont pas cessé d'exister aujourd'hui. C'est pourquoi, surtout, son ouvrage nous apparaît fondamental.
► Robert Steuckers, Orientations n°10, 1988.
◘ Textes d'A. Bebel en : français – anglais – allemand.
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